Pièces jointes
Cette année nous lisons l’évangile selon saint Marc. Il est court et concret. Pour le lire une soirée suffit (comme un épisode de Columbo ou un match de foot). Marc raconte seulement ce qui lui a été transmis. Il n’en « rajoute » pas. Depuis 3 dimanches nous sommes toujours dans le chapitre 1.
En ce temps-là…
On est en Galilée, à Capharnaüm. Marc dit que Jésus proclame l’Évangile de Dieu. On traduit par « Bonne Nouvelle ». Mais de quoi s’agit-il ? Il dit que c’est un enseignement, nouveau, proclamé avec autorité, pas comme les scribes. Mais il ne dit rien de son contenu. Pourtant « Bonne » et « Nouvelle », c’est une excellente accroche commerciale qui donne envie de cliquer sur la pièce jointe. Sauf que… il n’y a pas de pièce jointe.
Marc entretient le suspense sur cette Bonne Nouvelle et sur la réponse à la question que tout le monde se pose, « Qui est Jésus ? », puisque celui-ci empêche les démons de le révéler. Pour le savoir il faudra patienter jusqu’au milieu du livre (la mi-temps du match). En réalité, l’auteur a vendu la mèche dès le premier verset de son livre, peut-être sous la pression de son éditeur. Souvenez-vous, Marc, chapitre 1, verset 1, commencement de l’Évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu !
Pour l’instant, Marc raconte soigneusement ce que les témoins des faits, André, Pierre, Jacques et Jean lui ont transmis :
– les déplacements de Jésus : Il sortit de la synagogue,… il entra dans la maison de Simon,… il sortit et se rendit dans un endroit désert,… il parcourut la Galilée ;
– ses gestes : Il saisit par la main la belle-mère de Simon,… il guérit beaucoup de gens,… il expulsa beaucoup de démons,… il priait ;
– l’ambiance autour de lui : On lui parla de la malade,… on lui amenait tous ceux qui étaient malades ou possédés,… la ville entière se pressait à la porte,… sa renommée se répandit dans toute la région ;
– et une seule phrase « Allons ailleurs afin que là aussi je proclame l’Évangile« . Et toujours pas de pièce jointe !
Jésus est un guérisseur et un ennemi du mal. Il guérit les malades, il chasse les démons, on vient vers lui… Les disciples tout neufs, encore stressés d’avoir été soudainement arrachés à leurs filets de pêche, ont bien enregistré et transmis les déplacements, les gestes de Jésus et les réactions des gens. Mais son attitude les a tellement scotchés qu’ils ont oublié de nous dire ce qu’il disait dans les synagogues. Peut-être n’ont-ils pas bien écouté ? Ou bien ont-ils mélangé son premier enseignement avec ceux qui ont suivi ?
On peut les comprendre. Que racontons-nous à nos enfants de nos premiers cours à l’école ou au lycée, de notre premier stage professionnel, de notre première séance de catéchisme ? Nous racontons notre premier cartable, le look de la maîtresse, notre première blouse d’étudiant, les manies de nos profs, la bougie allumée par la catéchiste et les silhouettes collées sur le mur. Pourvu que nos enfants ne nous demandent pas le contenu de ces enseignements nouveaux ? Nous les avons largement oubliés. Heureusement qu’ils se sont répétés, complétés, clarifiés et que nous nous sommes accrochés.
Eux aussi, les premiers disciples se sont accrochés. En suivant Jésus, ils sont restés attentifs à ses gestes et à ses rencontres, et ils sont devenus plus appliqués pour écouter son message souvent illustré en paraboles, à le retenir, à l’incorporer dans l’orientation de leur vie et le transmettre à de nouveaux disciples.
Quand une personne qui n’a pas reçu la Foi ou que celle-ci a quittée vient pour la première fois à la messe dans cette église, elle ne parle pas en sortant des lectures, des prières ou des prédications. Elle dit plutôt qu’elle a apprécié le lieu, l’accueil, l’animation, l’entrain chantant de la communauté. Ces signes, ces gestes et cette ambiance lui disent que la Bonne Nouvelle rend les chrétiens heureux et qu’elle peut à son tour la découvrir en lisant le livre de Marc, lequel contient dès les chapitres suivants de nombreuses pièces jointes, belles et nouvelles.
Vincent Boogio
4 février 2024