Une Parole pour notre temps
« En ce temps-là… » souvent les évangiles commencent par cette expression « en ce temps-là, in illo tempore » se souviennent les plus anciens d’entre nous, quand l’évangile était proclamé en latin. On peut se demander pourquoi les auteurs ont cru nécessaire de contextualiser les paroles de Jésus, qui sont devenues des paroles universelles qui ont traversé le temps. On sait que le contexte permet de comprendre toute la portée de ces paroles, qui peuvent devenir parole de Dieu dans notre propre histoire, dans notre actualité : oui Dieu nous parle aujourd’hui dans ce qui fait notre actualité collective. Et bien sûr celle-ci , c’est celle des violences qui ont éclaté dans notre douce France et qui sont le sujet majeur de toutes nos conversations, souvent intenses et passionnées. Que nous dit Dieu aujourd’hui à travers cette parole ?
Dans la première lecture, il est question de l’avènement d’un roi, aux caractéristiques surprenantes : juste, victorieux, pauvre, venant sur un ânon. Les auditeurs du prophète Zacharie attendaient un sauveur puissant capable de résoudre leurs difficultés après le retour d’exil. Il leur promet un roi aux moyens les plus dérisoires, qui pourtant ‘brisera l’arc de guerre, et proclamera la paix aux nations’ : un message de paix, de non-violence ; on est loin de ce qu’on a pu entendre ces jours-ci dans la bouche de nos médias et responsables politiques prompts à dégainer des mesures radicales.
C’est bien ce que proclame aussi Paul, quand il dit que nous ne sommes plus sous l’emprise de la chair, mais celle de l’Esprit. Traduisons :’depuis que vous avez connu le Christ, que vous avez reçu par le baptême son Esprit, vous vivez une réalité nouvelle ‘ vous ne devez plus vous contenter de suivre l’opinion publique, surtout quand celle-ci, emportée par des médias et politiciens, crie à la vengeance.
Bien sûr, face aux événements qui nous bousculent, nous déstabilisent, nous sommes pauvres et démunis ; c’est donc bien à nous que Jésus s’adresse dans l’évangile, comme à tous ceux qu’il a déjà rencontrés dans son ministère en Galilée. Devant la colère de tout un peuple, que dire ? Par moments on a pu dire à Dieu :’le fardeau est trop lourd, on ne sait plus où on va.’ Peut-être nous faut-il dans un premier temps reconnaître cette sidération, cette impuissance devant le déchaînement de tant de colères, avant de juger, de trancher entre le bien et le mal. Notre prière doit se situer à ce niveau, confiant que le Seigneur seul peut nous procurer le repos. A condition bien sûr qu’avec lui nous fassions l’option pour les pauvres, les sans-gloire, les exclus. Eux en effet ont tellement de choses à nous révéler sur ce qui est important dans la vie, sur la fraternité, bien plus que tous les savants, les experts qui commentent l’actualité à longueur de journée et prétendent avoir la solution sur tout. Peut-être nous faut-il jeûner , pas nécessairement de pain ou d’eau fraîche, mais d’informations continues qui génèrent un malaise permanent, une défiance universelle. Chrétiens, amis de ce Jésus dont le joug est facile à porter, n’avons-nous pas à prendre un peu de distance vis à vis de ce prêt-à-porter intellectuel que nous déversent les médias et qui envahit nos conversations ? Et peut-être aussi prendre le temps de réfléchir, et remettre en question notre mode vie, notre consommation, notre désir d’avoir toujours plus, alors que nous savons que tout cela est source d’injustice, de pauvreté, de frustration.
Par sa parole, Dieu rejoint notre actualité ; quand tout semble s’écrouler, elle peut nous éclairer et surtout nous porter à la confiance et à l’espérance.
André Jobard 9 juillet 2023