« Viens »
Beaucoup d’entre nous avons du mal avec l’Ancien Testament. Nous préférons déguster et méditer un passage d’Évangile, une histoire de Jésus comme disent les enfants. Une des raisons c’est que dans l’Ancien Testament, Dieu se révèle souvent, dans le discours des prophètes et par ses interventions, sous des images qui font peur, celle du chef de guerre, de la vengeance, ou du juge sévère, comme s’il lui fallait de la force pour s’imposer dans un monde violent. Des éditeurs ont même effacé quelques versets de certains psaumes pour réduire cette image violente alors que dans d’autres le Seigneur se montre plein de douceur, faisant se rencontrer l’amour et la vérité, s’embrasser la justice et la paix.
L’image de douceur l’emporte sur celle de la violence quand le prophète Elie guette le passage du Seigneur à la caverne de l’Horeb. Le Seigneur n’était ni dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu. Il était dans le murmure d’une brise légère. Quand souffle la tempête, on a peur, on s’enferme, on s’inquiète pour ceux qui sont dehors. La tempête ne dit pas Dieu. Elle ne sent pas Dieu. Mais quand on ouvre les volets et qu’on voit frissonner les feuilles des arbres et que la douceur du vent frais glisse sur la peau, on y reconnait le souffle de l’Esprit. On sent Dieu.
Quand Jésus s’est fait Homme pour visiter son peuple et délivrer son message d’amour, il a renoncé à la violence et a choisi la douceur et la tendresse.
Écoutons-le dire à Pierre de le rejoindre en marchant sur le lac. Il lui dit « Viens ». On aimerait entendre le ton de sa voix quand il dit « Viens ». Il n’y a aucune colère, probablement la pointe d’autorité qui inspire confiance, en tout cas beaucoup de tendresse. « Viens », c’est ce que dit le père en tendant les mains à l’enfant qui risque ses premiers pas. « Viens », c’est ce que dit la grande fille à sa petite sœur pour l’inviter à sauter dans le grand bain où elle l’attend en lui ouvrant les bras. Viens » dit l’institutrice à l’enfant timide pour qu’il montre à tous le dessin qu’elle va s’efforcer de valoriser. « Viens », c’est le guide qui aide son ami à traverser la crevasse sur un pont de neige tout en l’assurant solidement. Ce « Viens » adressé à Pierre par Jésus, nous pouvons l’entendre aujourd’hui.
« Viens », c’est ce que dit le Seigneur par la voix du prêtre ou du diacre à l’enfant qui s’avance vers le baptistère après que ses parents aient affirmé leur confiance en Dieu. « Viens », c’est ce que dit le Seigneur au pêcheur qui craint de demander le sacrement du pardon, et à celui qui hésite à s’approcher de la table de communion parce qu’il ne se sent pas digne… alors qu’il vient de dire « Dis seulement une parole et je serai guéri ». « Viens », c’est ce que dit avec tendresse le Seigneur au mourant qui s’accroche à la vie pour apaiser ses dernières angoisses.
Dans l’Évangile, Jésus manie le pluriel pour s’adresser aux foules : « Venez à moi ». Mais aujourd’hui c’est « Viens », un singulier qui s’adresse à chacun au cours de cet été pour prendre le temps d’une prière singulière en se laissant bercer par la brise de l’esprit. Le livret proposé par l’EAP peut y aider.
Vincent Boggio
13 août 2023