Quand le ciel vient sur la terre
Grâce à votre générosité, chers paroissiens, j’ai donc acquis la semaine dernière un nouvel ordinateur et un smartphone : quelle révolution pour moi, quelle intelligence est appelée pour le bon fonctionnement de ces appareils, qui ont pour but de faciliter la communication, la rencontre entre les personnes : voilà un beau projet. A un moment où je butais sur un os, j’ai abandonné mon exercice pour me reposer par la lecture de mon journal préféré: mais alors sur quoi je tombe ? Sur la chronique d’une journaliste qui s’est engagée à laisser son smartphone au placard pendant une semaine, pour être davantage présente à son entourage, rejoignant ainsi un mouvement plus général de libération par rapport à ces moyens numériques qui prennent la place de vraies rencontres. Autant dire que je me suis senti une fois de plus en décalage par rapport à mon époque. C’est alors que m’est revenue l’histoire d’une autre rencontre qui s’est passée sans smartphone, sans téléphone, à moins que l’on assimile l’ange Gabriel à une application venant de l’univers de Dieu !
Vous l’avez reconnue, cette rencontre, celle de Marie et de sa cousine Élisabeth, dont nous venons de lire le récit. Une véritable rencontre qui les a marquées toutes les 2, je dirais même tous les 3, le bébé dans le ventre d’Élisabeth ayant lui aussi manifesté sa réaction à la venue de Marie. Rencontre à l’image des rencontres qui nous touchent particulièrement, qui nous font avancer. C’est bien ce que ressent Elisabeth, sensible à la démarche de sa jeune cousine, avec qui elle va pouvoir partager sa joie de l’arrivée surprise d’une grossesse tant attendue. D’ailleurs elle voit derrière cette visite celle de son Seigneur, tellement elle est imprégnée de la foi qui lui fait dire que la joie ressentie ne peut venir que du ciel. Une foi confirmée par l’allégresse exprimée par son enfant. Et elle comprend qu’à la source de cette joie il y a, chez Marie, la foi en l’accomplissement de la promesse de Dieu faite à son peuple. Et c’est ce que va chanter Marie, en reprenant dans son magnificat le récit de l’action de Dieu dans notre histoire. Il lui a fallu cette rencontre, ce partage de la même foi, pour exprimer son action de grâce, alors qu’elle ne l’avait pas fait sitôt après la venue de l’ange le jour de l’Annonciation.
Je suis toujours surpris de constater qu’en ce jour où célébrons la montée au ciel de Marie, la liturgie nous propose ce récit, tout simple, tout ordinaire, très terre à terre de la Visitation. Je me souviens d’un très beau cantique de Gounod : aujourd’hui le ciel est venu sur la terre. Je dirais volontiers que la terre a rejoint le ciel, que nos existences, dans ce qu’elles ont de plus ordinaire, prennent une dimension d’éternité, c’est-à-dire de solidité, de fidélité. C’est cela que nous reconnaissons en Marie, femme entre toutes les femmes, qui vécut tout simplement dans cette humble bourgade de Nazareth en accueillant par surprise l’enfant Jésus ; elle l’a accompagné dans sa croissance comme toute mère aimante, elle l’a suivi dans sa vocation, certainement pas sans interrogation ni souffrance, jusque dans sa passion. Sa foi en la fidélité de Dieu, qui doit être la nôtre, lui a permis de traverser la mort pour participer pleinement à la vie de ressuscité de son fils. De là notre espérance : dans nos vies compliquées, au cœur d’une situation planétaire très bousculée, il est précieux de pouvoir contempler en Marie, figure du peuple de Dieu, notre destinée : oui nous sommes appelés à entrer dans la lumière du ressuscité.
Souhaitons-nous de connaître la joie de belles rencontres, bien réelles, sans smartphone ni appareils révolutionnaires, dans la même simplicité vécue par Elisabeth et Marie.
André Jobard
15 août 2024