Quel roi ?
Avez-vous remarqué le contraste entre ce prétendu roi, qui avoue qu’il a eu faim, soif, étranger, malade, prisonnier ? Curieux pour un roi d’être obligé de quémander un peu de nourriture ou simplement une visite parce qu’il est malade ou pire encore enchaîné comme un mal-propre. Drôle de roi, très loin de nos schémas, de nos représentations. Voilà comment se présente Jésus, affublé de ce titre que nous répugnons, en bons républicains que nous sommes.
Il a beau être réduit à la figure d’un pauvre, d’un sans-domicile, il n’en est pas moins un juge, capable de la plus grande charité et en même temps de la plus grande sévérité : encore une image qui nous heurte, cette punition, ce châtiment éternel, si nous n’avons pas donné la piécette au mendiant de nos villes. Et si c’était une façon pour Jésus de prendre au sérieux notre vie : on ne fait pas n’importe quoi de cette existence qui nous a été donnée. Jésus respecte notre liberté, notre responsabilité ; nous pouvons choisir : soit nous enfermer sur nos acquis, nos richesses, avec au cœur le sentiment d’une insatisfaction, d’un remords, soit au contraire oser la rencontre, partager avec celui qui a faim de pain et surtout d’amitié, d’écoute, et là ressentir la paix, une vraie joie. Arrivera le moment où il sera trop tard ; c’est notre éternité qui se joue là.
Cela exige de notre part de prendre le temps de regarder notre vie, de discerner ce qui se joue dans les choix que nous faisons, de peser avec d’autres les enjeux de telle ou telle initiative, déclaration, posture. C’est ce que proposent les équipes de révision de vie, comme le CMR par exemple. Tout cela pour orienter notre vie pour plus de fraternité, de justice, et donc plus de joie.
Une lecture littérale pourrait nous amener à penser que la charité se limite à donner une piécette au SDF du coin, ou à une visite d’hôpital, au détriment d’une réflexion plus large sur ce que doit être une vie de disciple de Jésus. Quand le CMR et bien d’autres organismes mettent en avant les problèmes planétaires d’alimentation, il s’agit de repérer comment par une gestion défectueuse, les richesses de notre terre peuvent être accaparées par une minorité, les plus riches, au détriment de populations plus vulnérables. Dans une économie mondialisée qui est la nôtre, opter pour une alimentation saine, c’est déjà permettre à un petit paysan de l’autre bout de la planète de se nourrir, lui et sa famille correctement ; c’est selon Jésus, lui donner le pain dont il a besoin.
Nous le voyons, ce roi, pauvre, démuni, livré à la compassion des autres, n’est autre que ce Jésus, qui humilié sur la croix, donnera son dernier cri ‘j’ai soif !’ Nous sommes loin des palais royaux de nos monarchies, loin de la sphère des gens influents du monde. Nous sommes au cœur de l’évangile, à savoir au cœur de cette bonne nouvelle : ‘il y a beaucoup de joie à donner , la vie éternelle est de se donner’.
André Jobard
26 novembre 2023