Une vie unifiée
« Ils disent et ne font pas », voilà ce que reproche Jésus aux scribes, et que déplorait déjà le prophète Malachie. Certainement un reproche qui met le doigt sur l’enjeu d’une conduite cohérente avec nos paroles. En effet l’enjeu, il est là : sans cesse témoigner de l’amour inconditionnel de Dieu, ce Dieu qui a fait alliance avec notre humanité. C’est cela que Jésus veut rappeler : non pas une dévotion de façade, mais un comportement sincère, inspiré par le seul désir d’accomplir sa volonté en vivant la fraternité, ou selon son expression, de faire advenir son royaume de paix et de justice.
« Ils disent et ne font pas ». En entendant ce reproche, spontanément nous pensons aux autres avant de penser à nous-mêmes ; oui nous visons tous ceux, hommes et femmes politiques, responsables religieux qui sont loin de vivre ce qu’ils préconisent. On sait ce qu’il advient très souvent des promesses électorales ; on sait aussi, hélas, comment des responsables religieux, au discours moral très ferme ont pu commettre des crimes. Mais nous-mêmes, où en sommes-nous ? Nous aspirons à la paix, peut-être parce que nous craignons que les tensions actuelles au Proche Orient, en Ukraine notamment ne se propagent sur notre pays. Peut-être aussi par compassion pour toutes ces victimes innocentes dont les médias nous montrent en boucle leur détresse. Il est donc bon que nous souhaitions la paix. Mais que faisons-nous pour qu’advienne cette paix ? Sera-t-elle possible tant que nous-mêmes entretenons et répercutons des pensées négatives sur telle ou telle personne, sur telle ou telle religion ou nation, sous prétexte de différence de conceptions politiques, religieuses ? Le désir de vengeance, qui peut se comprendre après des horreurs, s’il s’installe durablement, va-t-il contribuer à l’émergence d’un climat de paix ? Sommes-nous prêts à un changement radical de nos manières de penser et même d’organiser notre vie? Si nous nous contentons de suivre telle ou telle idéologie à la mode, si nous avons pour seul objectif notre confort individuel ou la tranquillité de notre quartier ou la prospérité de notre pays, la paix restera bien loin. Saisissons-nous tous les leviers disponibles pour alerter nos dirigeants afin qu’ils œuvrent vraiment pour la paix ?
Et comme chrétiens, la prière est nécessaire, je ne le nie pas, et nous le ferons encore dans cette messe en pensant à ces innocents écrasés par la guerre. Mais ne faut-il pas aussi sortir d’une spiritualité trop désincarnée si elle ne nous met pas en route pour travailler à la paix, peut-être en participant aux efforts de si nombreux mouvements et organisations qui œuvrent à la construction de la paix ? Comment allons-nous, dans notre paroisse approfondir cette notion de paix, notamment en cherchant la rencontre avec ceux que l’on connaît moins bien ? (de là notre souci de favoriser la réunion de tous les groupes et services recensés). Avons-nous le souci de bâtir des ponts avec la communauté musulmane qui vit sur nos quartiers ? Toutes ces démarches manifesteront un message de paix, plus que de longs discours. On peut nous qualifier de doux rêveurs, d’utopistes, c’est peut-être cela que Jésus entend par être abaissé. Lui-même abaissé au rang des criminels, humilié sur une croix nous relèvera.
Saint Charles Borromée dont c’était la fête hier écrivait aux prêtres de son diocèse : « soucie-toi de prêcher par ta vie et tes mœurs ; évite qu’en te voyant dire une chose et en faire une autre, les gens ne se moquent de tes paroles en hochant la tête » J’espère, chers paroissiens, ne voir personne d’entre vous hocher la tête après cette homélie !
André Jobard
5 novembre 2023