Chers frères et sœurs,
Et si vous étiez Abraham ! Mettez-vous à la place de cet homme. Au moment où ce qui est relaté dans la première lecture lui arrive, il a 75 ans. Si vous avez 75 ans ou plus en ce moment, où si vous ne l’avez pas encore, vous devez vous dire, « A 75 ans, je vais enfin pouvoir me reposer ». Ou bien, « je ne voudrais pas avoir à affronter des situations imprévisibles ».
Eh bien, comme tous ceux de son âge, Abraham aspirait sans doute à un repos bien mérité. Il habitait à Ur en Chaldée dans un pays tranquille et riche. Et voici que Dieu l’invite à se mettre en route. A 75 ans, Abraham doit quitter sa maison et ce pays où s’était installé son père pour aller vers une destination inconnue. Ainsi, Abraham part à l’aventure sans avoir d’autre référence que sa foi en Dieu, ni d’autre certitude pour le guider que la promesse de Dieu. Il n’avait pas d’enfant, et à 75 ans Dieu lui promet un fils et une descendance nombreuse. Devenu Pèlerin de la foi, il écoute l’appel du Seigneur et laisse derrière lui une situation prospère pour marcher vers l’inconnu. Dans ce récit de la vocation d’Abraham, Dieu ne mentionne même pas le nom du pays où Abraham doit se rendre. Il lui dit simplement : « quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton Père et va vers le pays que je te montrerai. »
Abraham est invité dès le départ à vivre dans une disponibilité totale. Il ne peut calculer la distance à parcourir ni prévoir les étapes à franchir, parce qu’il s’agit d’un itinéraire à découvrir jour après jour, avec les risques d’égarement et les difficultés de discernement.
Nous ne sommes pas Abraham, et pourtant nous sommes tous invités à prendre ce chemin, quel que soit notre âge et quelle que soit l’étape où nous en sommes dans notre vie. Parce que ce chemin, c’est le chemin de la foi. La foi est un appel. Appel à avancer sur un chemin qui n’est pas tracé d’avance, en ayant la certitude que Dieu nous y devance et qu’il saura nous guider.
Il y a trois autres personnes qui ont été appelées dans les textes de ce dimanche. C’est Pierre, Jacques et Jean qui, dans l’Évangile, sont témoins de la manifestation glorieuse de celui qui a annoncé qu’il devrait souffrir et être mis à mort. Jésus leur annonce sa passion et juste après, il leur manifeste sa gloire. Puis ils sont invités à redescendre avec cet ordre de n’en parler qu’après que le Fils de l’homme ressuscite d’entre les morts. Sans doute parce qu’il leur faut attendre ce moment pour comprendre. On ne doit parler que de ce que l’on a compris. Sur le chemin de la foi, on ne comprend pas tout immédiatement. Le chemin de la foi est un chemin de silence parfois. C’est un chemin de carême. La foi nous fait cheminer derrière une personne qui nous sauve non pas d’une manière puissante et facile, mais au prix de sa souffrance.
Comment rester attentif sur ce chemin ? comment ne pas être troublé par le caractère surprenant et imprévisible de l’appel ou par la perspective douloureuse de la croix ? La réponse à cette question est dans ce que les trois disciples ont entendu sur la montagne : « celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le ». Cette exhortation « Écoutez-le » est la réponse à notre peur de la souffrance et de la croix. Cette exhortation est la réponse à notre peur de l’imprévisible. La foi est un chemin imprévisible. Mais sur ce chemin, nous pouvons être certain que Dieu nous devance et qu’il nous parle. Puissions-nous garder l’oreille attentive pour entendre sa voix et pour écouter, c’est-à-dire obéir.
Judicaël Mitokpey
5 mars 2023