La foi ou la fin d’un cauchemar
Je me suis réveillé ce matin, le cœur lourd et le cerveau bien embrumé. Je venais de rêver que nous entrions dans une ère de glaciation ; qu’il s’agisse de la météo, de la politique, de l’église. Finis les vacances, les étés où il fait bon de profiter des longues soirées dans les jardins autour d’une grillade partagée avec les voisins, les amis, la famille réunie. Fini aussi le souci du bien commun, de l’avenir de la planète, de la justice pour tous et pour tous les peuples. Finie enfin l’aventure de la mission de l’Église telle que l’avait encouragée le concile Vatican II.
Heureusement pour me débarrasser de cet encombrant cauchemar, après une douche stimulante, une parole m’a procuré une paix immense et une joie vraie: la Parole de Dieu, celle que nous venons d’entendre, avec des formules si denses : « Dieu n’a pas fait la mort », « ce qui naît dans le monde est porteur de vie », « lui qui est riche, il s’est fait pauvre pour vous », « Jésus partit avec lui », « ma fille, ta foi t’a sauvée », « ne crains pas, crois seulement », « il pénètre, là où reposait l’enfant ». Pensant à tout ce que nous vivons en ce moment, comme inquiétudes, difficultés à échanger, comme peur de l’autre différent, voire même peur de la fin d’un monde, de telles paroles m’ont profondément rejoint, et ont réveillé ce que j’appelle la foi. Oui c’est bien la foi qui est appelée, la foi qui n’est pas simplement récitation de belles formules, mais l’engagement de toute une vie pour l’avènement d’un monde fraternel, à l’image du règne de Dieu voulu par lui.
Pour revenir à notre évangile, que ce soit Jaïre, ce chef de synagogue, ou bien cette femme malade depuis 12 ans, c’est la foi qui les a sauvés. Leur situation semblait désespérée mais leur confiance en Jésus est telle qu’ils ne baissent pas les bras ; ils réagissent, Jaïre va voir Jésus, la femme aux pertes de sang va toucher son manteau. Une foi qui s’enrichit de la foi de Jésus lui-même : il s’engage avec Jaïre, il part avec lui, il entame un long chemin avec lui, sans nécessairement en connaître le terme. Il ne se contente pas des explications de ses disciples qui n’ont pas vu la démarche de la femme qui a touché la frange de son manteau, il veut une vraie rencontre avec elle. Et enfin, à tous ceux qui signent la mort de la jeune fille, ce qui pourrait décourager Jésus de toute intervention, il répond par cette parole lumineuse : « ne crains pas, crois seulement. »
C’est bien à cette foi, frères et sœurs, que nous sommes appelés encore aujourd’hui. Au lieu de nous lamenter sur le cours des événements, qui nous déroutent et peuvent nous faire peur, engageons-nous dans une recherche patiente de la vérité (ce qui suppose de ne pas nous contenter d’informations partielles, voire partiales), dans le souci non pas de mon pouvoir d’achat ou de ma sécurité mais du bien commun, dans un dialogue constructif avec tous, quelles que soient leurs opinions, leurs façons de vivre. Oser la foi, vivre dans l’espérance, c’est miser sur l’avenir à long terme, sur la chance d’une sortie de crise qui soit bénéfique à tous. En cela nous nous inscrivons dans la vie de tout un peuple, celui de la Bible, d’Israël, qui au-delà des vicissitudes de son histoire a gardé confiance en la promesse d’un règne de justice et de paix. C’est le combat de tous ceux qui dans les pires crises de leur existence ont travaillé à un mieux-vivre pour tous.
Alors, débarrassons-nous de nos vieux cauchemars, et prions pour que la Parole de Dieu fasse son travail en nos cœurs, dans celui de tous nos concitoyens, et dans nos Églises.
André Jobard
30 juin 2024