Quand un enfant partage son pique-nique
Au cours des vacances que j’ai eu la chance de vivre en ce mois de juillet, j’ai rencontré à plusieurs reprises des groupes d’enfants ou adolescents le sac à dos certainement chargé des pique-niques nécessaires à l’appétit féroce de ces jeunes. Et je pensais à ce jeune garçon de l’évangile, qui permit de débloquer une situation qui était dans l’impasse. J’aime beaucoup ce récit de la multiplication des pains tel que le relate saint Jean pour plusieurs raisons.
Tout d’abord la question de Jésus, « où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ? » Elle est à la fois expressive de son attention à l’égard de cette foule affamée, et aussi provocante : une façon de mettre à l’épreuve Philippe et nous-mêmes, toujours enclins à ne chercher que des solutions comptables ou techniques devant les défis à relever.
Arrive alors une 2ème étape : André (je n’y suis pour rien!) a repéré ce gamin qui a su faire preuve de clairvoyance en apportant son pique-nique. Ce regard est important, un regard qui ne laisse pas de côté l’insignifiant, le méprisable, le fragile, même si la réaction première est de juger difficile la solution apportée par cette découverte.
Et la 3ème étape : c’est cet enfant qui accepte de donner le précieux contenu de son sac à dos, de se dépouiller de toute chance de survie. On l’oublie trop souvent, ce geste de partage, cette générosité inattendue d’un jeune. Sans lui, que serait-il advenu pour cette foule affamée ?
Enfin ce qui va être déterminant , ce ne sont pas des gestes magiques de la part de Jésus qui agit dans une grande discrétion, mais tout simplement c’est cette prière d’action de grâce dans sa bouche. Action de grâce pour la générosité, la confiance de cet enfant, celle de ses disciples, celle de cette foule qui s’assoit dans l’attente de ce qui va se passer. Pour Jésus, tous ces petits gestes, toutes ces attitudes sont l’expression de l’amour de Dieu, et c’est cela son action de grâce. Et en rendant grâce, Jésus ne veut pas s’attribuer le succès de l’opération ;il en est juste l’instrument, le médiateur, Dieu étant celui qui donne généreusement.
Des défis, nous en avons beaucoup à relever, peut-être encore plus importants que de nourrir 5000 hommes avec le pique-nique d’un enfant. C’est le défi de la paix, de la justice, de la fraternité , du dialogue, en ces temps difficiles que nous traversons. Si nous réagissons comme l’apôtre Philippe, devant l’immensité des problèmes, en baissant les bras, alors tout paraît impossible. En revanche si nous acceptons de regarder autrement la réalité, notamment en faisant attention aux moindres gestes, aux plus petites paroles qui font avancer l’entente, la fraternité, même si ce n’est pas plus gros qu’un casse-croûte, si nous portons des paroles de confiance et non de dénigrement permanent, Dieu saura nous combler au-delà de toute attente.
Avant-hier soir avait lieu la cérémonie d’ouverture des J.O. : au-delà de ce qu’on pourrait retenir comme un désir de promotion nationale, n’y avait-il pas une belle image de la joie de se retrouver entre toutes les nations autour du sport ? J’ai tendance à voir dans cette multiplication des pains un formidable appel à dépasser notre amertume et notre angoisse devant un futur menaçant,à rester attentif et vigilant (comme André) à tout ce qui contribue à des rapports bienveillants, et enfin à rendre grâce pour tout ce que le Seigneur nous donne : c’est le rôle de toute eucharistie, où nous recevons la vie en abondance. Ce sera toujours dans la fragilité, la vulnérabilité, dans la pauvreté, mais la fécondité d’une telle attitude dépassera notre imagination.
André Jobard
28 juillet 2024