Venir à la lumière
Au cœur d’une nuit profonde, éclairés seulement par une bougie à la flamme vacillante, deux hommes échangent des propos intimes sur leurs croyances, leurs certitudes, leur confiance. Ils sont aussi dans la nuit comme leurs contemporains, spectateurs impuissants et désabusés devant le massacre d’innocents, qui ont le malheur d’habiter en Ukraine, à Gaza et tant d’autres lieux de souffrances et de guerres, sans parler des injustices qui s’aggravent ni des menaces qui pèsent sur l’avenir des démocraties. Ce sont les ténèbres du monde, de tous les temps. Mais ils découvrent dans leur partage que tout espoir n’est pas perdu.
En effet pétris l’un et l’autre de toute une tradition religieuse, ils ont en tête le récit d’un peuple, appelé ‘Israël’ déporté à Babylone sous la férule du terrible Nabuchodonosor ; ce peuple crie sa souffrance à Dieu dans un psaume déchirant, mais ils ne manquent pas de révéler aussi l’intervention de Dieu qui n’a pas hésité à confier à un roi païen le retour des déportés à Jérusalem. L’un des 2 protagonistes a fait parler de lui depuis quelques mois qu’il parcourt les routes de Galilée, et lui aussi ose évoquer la sortie des ténèbres, et il accompagne ses paroles de gestes merveilleux, comme des guérisons, qu’on appelle ‘miracles’ ; et c’est cela qui a valu à l’autre personnage d’être incité à engager cette conversation à l’abri de regards indiscrets, donc la nuit. D’où cette lumière, cette joie, quand retentissent ces mots : « Dieu a tant aimé le monde, et il a envoyé son fils non pas pour condamner (comme le pensaient les déportés à Babylone), mais pour sauver. »
Cette découverte, nous avons à la recevoir aujourd’hui, non pas pour asséner des vérités abstraites à ceux qui ne la connaîtraient pas, mais pour nous engager à faire vivre l’espérance, en faisant la vérité sur nos vies, sur notre histoire commune, tandis que la rumeur des médias et de nombre de nos conversations quotidiennes entretiennent un climat de peur, de suspicion, de mort, de fin du monde. Faire la vérité, en reprenant les mots de toute la tradition biblique, c’est partager son pain avec celui qui a faim, c’est accueillir le pauvre sans abri, c’est soutenir la veuve et l’orphelin, c’est recevoir l’immigré.
Dans 3 semaines nous accueillerons au petit matin de Pâques la douce lumière de la résurrection : non parce que nous aurons vécu quelques belles performances de carême, mais parce que le Dieu que nous prions et que nous a révélé Jésus nous donne gratuitement la vie, la liberté. N’ayons pas peur de la nuit : le prophète Osée (Os 6,3) l’avait proclamé : « le lever du Seigneur est aussi sûr que l’aurore. » De quoi nourrir notre espérance.
André Jobard
9 mars 2024