Le réaliste et l’utopiste – homélie du dimanche 20 février 2022

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Le réaliste et l’utopiste

 

         Dans le train de retour de mes vacances, j’ai surpris un étonnant dialogue entre 2 personnes. Je n’ai pas bien compris quels étaient leurs noms. Appelons-les Paul le réaliste, et Anne l’utopiste. C’est Paul qui a commencé par ces mots : « vous avez entendu cette histoire de David, qui aurait pu en un tour de main éliminer son ennemi ; eh bien il ne l’a pas fait : pourquoi ? » Anne de répondre : « David a bien compris qu’il ne serait jamais en paix s’il tuait Saül, et que la violence ne résout rien »

         Paul continue : « vous avez lu cette parole d’un doux rêveur, qu’on appelle Jésus : aimez vos ennemis. Mais quoi encore ? On va demander aux Ukrainiens d’aimer monsieur Poutine qui menace d’envahir leur pays ? C’est n’importe quoi, ce genre de déclarations ! » Anne : « Jésus n’a pas dit : n’ayez pas d’ennemis, mais aimez vos ennemis. Par là il reconnaît que nous pouvons avoir des ennemis, comme lui en a eus : des personnes, des groupes dont on ne partage pas les idées, les façons de vivre, ou bien qui nous ont fait du mal. » Paul : « d’accord mais les aimer, vous réalisez ce que cela veut dire ? Serait-ce les encourager à continuer à faire ce qui est mal ? » Anne : « non pas du tout. Mais avant-même de leur offrir notre pardon, avoir sur eux un regard de bienveillance, éviter de colporter sur eux des propos négatifs, c’est déjà un pas important. » Paul : «  à quoi bon s’ils restent dans leur méchanceté, autant les ignorer. » Anne témoigne : « j’ai déjà fait l’expérience d’avoir retrouvé la paix en moi quand j’ai cherché à vivre cela, alors que j’avais de bonnes raisons de me braquer contre certaines personnes. » Paul : « cela, c’est pour des gens comme vous, mais pensez à tous ceux qui sont blessés douloureusement, qui ont eu leur vie brisée par le fait de gens qui ont été violents avec eux. Pensez aux victimes d’attentats, de guerre, comment voulez-vous qu’ils puissent pardonner ? »

         Anne :  « c’est vrai que c’est très dur, et il ne s’agit pas de les contraindre à faire la paix tout de suite, et à pardonner. Mais il est important que des voix s’élèvent pour affirmer qu’après la haine, il peut y avoir la paix, le pardon. D’ailleurs c’est ce qui s’est passé après la guerre entre la France et l’Allemagne » Paul : « vous rêvez, cela ne pourra jamais se faire, ce serait trop beau. » Anne : «  justement, si c’est un rêve, c’est que cette attitude rejoint le plus profond de notre humanité ; alors à nous de le réaliser et de ne jamais désespérer de la possibilité d’un pardon, d’une réconciliation. »

         Témoin de cet étrange dialogue, j’ai pensé qu’il ferait une bonne homélie.

André Jobard
20 février 2022