Un présent qui a du sens – homélie du dimanche 1er novembre 2020 – Toussaint

 

Un présent qui a du sens

 

        « L’espérance n’est pas seulement l’attente d’un avenir meilleur ; c’est un regard sur le présent, qui le rend plein de sens ». Cette parole glanée au fil de mes lectures en cette semaine si particulière a pris la place des réflexions que je me préparais à vous partager en cette fête de la Toussaint, des réflexions au sujet de la mort, et surtout au sujet de l’après-mort . C’est donc à un retour à notre actualité que je procède, certain que celle-ci vous habite entièrement en venant à cette célébration. Selon cette formule, l’espérance consisterait à croire que notre vie, quels que soient les événements qui la traversent, heureux ou douloureux, a du sens, terme à comprendre doublement, à savoir comme raison d’être et comme direction.

        Ce que nous vivons en ce moment a-t-il du sens ? Ou du moins a-t-il sa raison d’être ? Disant cela je ne fais pas l’apologie du terrorisme ni ne considère comme une chance la propagation du Covid 19 qui nous plonge dans un nouveau confinement. Cependant je pense que ces drames nous obligent à reconsidérer nos priorités, à chercher ce qui dans notre mode de vie, très coloré par notre appartenance à la société libérale, occidentale, a pu générer comme violence sournoise et pourtant bien réelle et comme insouciance par rapport à l’état de santé de notre planète. Avons-nous toujours pensé que l’achat de certains produits de notre quotidien entraîne l’exploitation d’enfants à l’autre bout du monde et détruit des écosystèmes ? Comment vivons-nous le fait qu’il y ait tant de pauvres dans notre riche pays de France ? Pourquoi la violence séduit-elle des jeunes relégués dans des pays ou des quartiers sans avenir ? Pour cet examen, et ne pas rester sur un sentiment de culpabilité, rien de mieux que de relire l’évangile des Béatitudes : « heureux les pauvres, heureux les artisans de paix, heureux les miséricordieux, heureux les persécutés pour la justice… » Voilà un autre regard sur la vie, celui de Jésus, bien inséré dans son peuple, dans son actualité, qui a osé dire à ces gens qu’il rencontrait et qui vivaient certainement aussi durement que nous leur existence, qu’ils pouvaient être heureux. A la suite de Jésus, j’ai envie de dire que ce que nous vivons en ce moment peut être la chance d’une réorientation de nos priorités, et que cela peut nous rendre profondément heureux. Je le dis sur la pointe des pieds, tellement cela peut paraître une provocation, mais n’y a-t-il pas du vrai là-dedans ?

        Et cette approche peut donner une direction à notre douloureuse actualité qui semble tellement une impasse à nos yeux rivés sur le court-terme. Il y aura un après, on l’avait déjà dit à la suite du confinement du printemps, et il semble que ce que nous espérions comme changement ne s’est pas produit. Celui-ci peut et doit venir, si nous gardons au cœur la confiance que rien n’est définitif. Les saints que nous fêtons aujourd’hui ne sont-ils pas justement ceux qui n’ont pas douté de la réalisation du royaume de Dieu ? Et leur condition de sainteté, c’est de vivre en plénitude ce qu’ils ont espéré durant leur vie et pour lequel ils ont œuvré de toutes leurs forces. C’est peut-être cela le ciel, dont on dit qu’il est la demeure de Dieu et de ses saints. Le lieu où se déploie toute l’espérance que nous cultivons dès maintenant. Bien sûr cette espérance n’est pas naïveté ; nous savons que les forces du mal sont bien présentes dans notre histoire. C’est précisément pour cela que, chrétiens, nous devons témoigner de notre foi, c’est-à-dire de notre confiance que le présent enfante dans les douleurs un avenir de fraternité, celui que partagent les saints connus et inconnus, un avenir qui nous est promis.

André Jobard

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