La messe : une rencontre au bord du lac – homélie du dimanche 1er mai 2022

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La messe : une rencontre au bord du lac

Voici le nouveau missel d’autel qui nous est proposé, suite aux changements intervenus sur certaines paroles de la liturgie de la messe. Un gros pavé, pas très pratique à emporter pour les prêtres du rural qui vont d’église en église. Très lourd parce qu’il contient toutes les rubriques, toutes les indications de posture du célébrant, toutes les prières aussi bien en latin qu’en français : bref une somme censée, si on y est fidèle, produire une liturgie de qualité. Afin d’être à l’unisson de toute la famille des chrétiens, nous allons progressivement nous habituer à quelques changements, tels que vous les découvrirez sur notre écran.

Sans nier la nécessité d’un guide pour des célébrations dignes et à portée universelle, je cherche à comprendre comment on a pu produire ce gros bouquin après avoir lu une si belle liturgie décrite dans l’évangile de ce jour, car il s’agit bien d’une liturgie. En effet dans cette scène, magnifiquement retranscrite, c’est comme si nous y étions, je perçois la façon dont les premiers chrétiens concevaient l’eucharistie. Plusieurs éléments à portée symbolique me font dire qu’ils sont les ingrédients de notre messe actuelle.

Tout d’abord, l’allusion à la nuit où les pêcheurs, après la mort de leur ami, ont repris leur métier, certainement très désabusés ; et là ils n’ont rien pris : nous venons souvent à la messe porteurs de nos soucis, des réalités de notre monde en proie à la violence, de tous nos échecs ; nous sommes souvent dans la nuit. Le lever du jour, nous l’avons évoqué le matin de Pâques, c’est ce moment où prennent fin les ténèbres, où s’engagent des projets, des réalisations, où se dissipent les angoisses de la nuit. Le rivage est cet espace où nous sortons de notre quotidien pour approcher l’immensité et la beauté de la mer, pour goûter à ce moment de grâce que constitue notre rassemblement fraternel. L’écoute de la Parole de Dieu va nous révéler la générosité de Dieu qui donne largement, qui remplit nos filets. Et comme pour Pierre, il nous faut un disciple que Jésus aimait, pour reconnaître la présence de celui-ci. Ce disciple ainsi nommé c’est l’assemblée réunie qui entend le célébrant proclamer que le Seigneur est présent, qu’il est avec elle, assemblée non pas réunion entre copains, mais Église convoquée par l’amour de Dieu dans sa grande diversité. Et le moment le plus intense de cette scène, c’est l’invitation à venir manger ce repas champêtre préparé par Jésus lui-même, sur un feu entre 2 cailloux, repas où il manifeste son désir de nous partager sa vie de ressuscité. Avouez avec moi que dans cette scène au bord du lac, nous avons les éléments qui constituent l’eucharistie.

Cette scène est en fait le récit d’une expérience humaine, celle des disciples encore marqués par la mort de Jésus, par leur lâcheté, leur désespoir. C’est aussi celle des premiers chrétiens qui rencontrent beaucoup de difficultés, et notamment des oppositions voire même la persécution, et sont tentés de penser que Jésus n’est plus avec eux. C’est aussi la nôtre, où parfois les nuits sont longues et pleines de soucis. Retrouvons dans nos eucharisties, grâce à ce passage de l’évangile de Jean, la ferveur et la simplicité de la foi qui animait les premières communautés chrétiennes. Que ce nouveau missel ne soit pas simplement un catalogue de rubriques à appliquer scrupuleusement, mais l’occasion de retrouver la fraîcheur de la rencontre du ressuscité telle que nous la livre saint Jean.

André Jobard
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er mai 2022