Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison – homélie du dimanche 3 novembre 2019

        En ces temps où nous avons le sentiment d’être perdus, tellement sont complexes les problèmes de nos sociétés, on a peine à imaginer que la conversion de Zachée, un fonctionnaire corrompu puisse constituer une grande nouvelle, et que le salut se niche dans cet épisode bien insignifiant. Et pourtant j’ose croire que cette rencontre, totalement improbable entre Jésus et Zachée, a ouvert une brèche décisive dans la société contemporaine de Jésus, une brèche aussi pour nous qui sommes empêtrés dans notre pessimisme sur l’avenir de notre civilisation. Comment expliquer cela ? Je vois trois bonnes raisons à faire de cet évangile une très bonne nouvelle pour nous et pour notre humanité toute entière.

        D’abord le désir de Zachée de voir Jésus, de sortir de son ordinaire pour rencontrer un homme réputé pour son message d’espérance, ce désir il est de tout temps. Les différentes religions que se sont données les hommes depuis le fond des âges manifestent ce désir. Toujours ils ont aimé comme Zachée sur son arbre, se hisser sur une hauteur, prendre du recul par rapport à leur quotidien, et espérer trouver du sens à ce qu’ils vivent. Donc, une démarche tout à fait naturelle, très respectable et vitale pour tout être humain.

        Mais, et ça sera le 2° point, ce qui va être décisif et se révéler totalement nouveau, c’est l’appel de Jésus adressé à Zachée, appel à descendre de son arbre ; comme s’il lui disait que l’important n’est pas de quitter sa condition d’homme, de se réfugier dans une mystique totalement désincarnée, mais au contraire de rester là où il en est, d’assumer sa faiblesse, ses travers, et le mal qui semble le cerner de toutes parts. On pourrait lire derrière cette demande de Jésus une façon d’annoncer que désormais sa présence rend obsolète toute forme de religion. Le christianisme n’est pas une religion, qui se contenterait d’énoncer des vérités à croire et des règles de conduite à adopter. C’est d’ailleurs ce qu’il dira à la Samaritaine, quand il lui annonce : « désormais on n’adorera plus à Jérusalem ou sur la montagne de Samarie, mais on adorera en esprit et en vérité ». Oui maintenant l’essentiel est cette rencontre avec Jésus, ce qui conduit, comme Zachée, à une toute autre manière de vivre.

        Et c’est là que nous arrivons à la bonne nouvelle du salut annoncé par Jésus : celui-ci est venu partager notre vie d’homme, et donc nous rencontrer, là où nous sommes, là où nous en sommes. Un regard de Jésus sur cet homme perché sur son arbre a suffi à changer bien des choses : désormais Zachée, totalement exclu de la communauté humaine et religieuse de son époque, va retrouver sa place ; le monde figé qui était le sien à son époque est appelé à un autre regard, à quitter ces jugements tout faits sur des personnes, sur des groupes, sur des religions. N’est-ce pas pour nous un formidable appel à revoir nos façons de nous situer dans le monde, en simples spectateurs et contempteurs des décisions prises par les responsables ou en hommes et femmes désireux de considérer tout homme comme frère et participer, même modestement aux changements nécessaires pour un monde plus fraternel ?

André Jobard

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