Église, peuple de prêtres – homélie du samedi 29 janvier 2022

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Les lectures du jour

Église, peuple de prêtres

 

        Au petit séminaire et lors de mes 2 premières années de grand séminaire, les lectures spirituelles dispensées par nos directeurs, tous de saints prêtres, entretenaient en nous l’image du prêtre, consacré, tout donné à Dieu, mis à part pour le service de l’autel, configuré au Christ. Dès la 6ème, nous avions un uniforme avec un écusson en forme de croix, nous situant d’emblée dans cette fonction de ministre de la grâce divine. Cela associé à une perception très négative du monde, dangereux, qu’il fallait à tout prix convertir. Pour l’enfant et l’adolescent que j’étais, cette vision idéaliste du prêtre exerçait sur moi une attirance très forte et me permettait de supporter les conditions plutôt austères de la vie de pensionnat. Quand est venu le temps de partir au service militaire, encore en vigueur à l’époque, n’ayant pu l’éviter par le biais de la coopération qui m’ a été refusée, mes supérieurs m’avaient mis en garde contre le risque de perdre ma vocation au contact de jeunes à la formation et à la culture très éloignées de celles dont j’avais bénéficié.

        Or ce temps d’immersion totale, complété par une expérience en entreprise, a été pour moi un déclic très fort, qui m’a conduit à un renversement total de ma conception du prêtre. Je n’étais plus celui qui se trouve face à des opposants, des gens considérés sans morale, hostiles à la religion, mais j’étais un jeune de leur âge, âge des choix décisifs pour l’avenir. Parallèlement à cette découverte, le concile Vatican II avait développé toute une réflexion sur l’Église et le ministère du prêtre. Émergeait alors la notion de peuple de Dieu, dans lequel chaque baptisé reçoit la charge du témoignage, est appelé à consacrer sa vie à Dieu. Tombait ainsi la barrière qui séparait les prêtres de l’ensemble du peuple de Dieu. Et c’est à partir de là que s’est consolidée en moi l’idée d’être prêtre au milieu d’un peuple, au service de sa mission, qui est l’affaire de tous. Et c’est ainsi que dans nos études au grand séminaire, nous lisions avec beaucoup d’intérêt par exemple la lettre de Jérémie de ce jour, où il est dit : «  avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré ; j’ai fait de toi un prophète pour les nations » Parole adressée à tout croyant, à tout baptisé, à tout confirmé (et ce sera lu demain lors de la confirmation de 40 jeunes) et non seulement aux prêtres. De même cette ouverture aux païens, à ceux qui ne sont pas catalogués comme chrétiens, voulue par Jésus dans la synagogue de Nazareth, affermissait en moi cette nécessité d’être prêtre non pas enfermé dans une communauté bien chaleureuse et privilégiée, qui serait parfaite, mais prêtre pour tout homme, toute femme, croyant ou non, aimé de Dieu, comme je le suis. Et ce que nous vivons en ce moment à travers cette consultation synodale me semble être du même ordre : l’Église est l’affaire de tous, de tous les baptisés qui ensemble offrent leur vie en s’associant à Jésus qui s’est donné entièrement à Dieu son Père et à notre humanité. Elle est au service du monde, en s’appuyant sur l’évangile, en vivant la fraternité, en donnant le témoignage que celle-ci n’est pas un vain mot, qu’elle est possible, car elle est déjà l’amorce de ce royaume apporté par Jésus. Nous comprenons peut-être mieux ainsi le rôle du prêtre, qui, à la suite de son ordination est signe de ce don de la part de Dieu.

        Cette évolution du ministère du prêtre est-elle totalement opposée à ce que nous enseignaient nos directeurs de séminaires ? Heureusement non. D’ailleurs leur enseignement a forgé en moi cette aptitude à rester ouvert à ce que l’Esprit m’a donné à vivre tout au long de mon ministère, tout en me faisant descendre de l’autel et rejoindre mes frères et sœurs baptisés pour qu’ensemble nous puissions témoigner de l’amour de Dieu pour tous.

André Jobard
29 janvier 2022