Entre dans la joie de ton Seigneur – homélie du dimanche 15 novembre 2020

 

Entre dans la joie de ton Seigneur

 

        Le temps présent n’est pas favorable à la joie. Novembre, mois sombre, commémoration des défunts, de la grande guerre et des attentats, covid 19, confinement, crise économique et sociale, absence de rassemblements sportifs, culturels et cultuels : de quoi jeter sur notre douce France un voile de pessimisme, augmenté des contestations de la part de tous ceux qui se sentent atteints dans leur existence par les mesures d’ordre sanitaire. Drôle d’ambiance. De plus le pape a eu l’idée de faire de ce 15 novembre la journée mondiale des pauvres : histoire de nous rappeler que des pauvres il y en a, et beaucoup. Comment tenir face à une telle adversité ? La parole de Dieu de ce jour pourra-t-elle inverser cette tendance générale à la couleur grise ?

        La réponse elle est dans le titre de cette chronique, tirée de l’évangile appelé la parabole des talents. Cet homme qui part en voyage et distribue ses biens à ses serviteurs, la tradition chrétienne a vu en lui Dieu qui dans un geste d’immense confiance est prêt à se dessaisir de son patrimoine pour que les hommes en fassent un bon usage, chacun selon ce qu’il a reçu. A son retour a lieu la reddition des comptes et les deux premiers qui avaient reçu respectivement 5 et 2 talents sont heureux de présenter le fruit de leur travail et entendent les louanges de leur maître qui les invite à entrer dans sa joie. Quand on a le sentiment d’avoir accompli son devoir, d’avoir œuvré pour que le monde soit beau, le cœur s’emplit d’une grande joie. Quand par exemple on a pu rencontrer une personne en grande difficulté, partager avec elle un peu d’amitié, de compassion, on est vraiment heureux. La situation actuelle, avec la privation du sacrement de l’Eucharistie, nous offre l’occasion de découvrir ce que la tradition chrétienne appelle le sacrement du frère : Jésus est présent dans le frère en souffrance (ce que nous dira l’évangile de dimanche prochain). Le Christ se donne à nous non seulement dans l’eucharistie mais aussi dans mon frère qui est à côté de moi. Et la joie du partage est bien le signe de l’Esprit Saint et un fruit de son action dans notre vie.

        Quant au serviteur qui n’a reçu qu’un seul talent, peut-être jaloux de n’avoir pas été gratifié comme les 2 autres, il prend comme arme de défense l’accusation « je savais que tu es un homme dur ». Et il a eu peur, et a enfoui son talent, par crainte de le perdre. Il s’est contenté de le garder intact, histoire d’être en règle. Son rapport avec son maître n’est plus placé sous le signe de la confiance, mais sous le règne du calcul « je vais faire ceci pour ne pas être en défaut ». On devine qu’un tel raisonnement ne peut pas apporter la joie. S’il est jeté dans les ténèbres extérieures où il y a des pleurs et des grincements de dents, c’est juste le constat d’un état dans lequel s’est placé lui-même cet homme, gagné par la peur et la méfiance. Notre actualité génère cette peur, un sentiment diffus mais réel au point que la tentation est grande du repli sur soi, de la condamnation de toute mesure censée préserver la santé de tous parce qu’elle atteint notre mode de vie, notre façon de pratiquer notre religion. De cela ne sort que l’aigreur, alors que le Christ dans cette parabole nous propose la joie, celle-là que décrit aussi le livre de la Sagesse (première lecture) ; s’il est question de la femme, de ses qualités ménagères, de son ouverture aux pauvres, c’est bien toute l’humanité qui est appelée à réaliser ce magnifique portrait.

        Pour terminer reprenons les mots de saint Paul dans la deuxième lecture : « ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres ! » La joie peut se fêter même sans le Champagne !

André Jobard

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