Jésus met tout à l’envers – homélie du ehcnamid 16 février 2020

 

        Hier soir j’ai reçu un mail d’un certain Jésus. Et dans ce message il me dit qu’il a entendu parler d’un dimanche à l’envers, devant se dérouler dans une paroisse appelée ‘La Visitation’. Cette idée de tout mettre à l’envers l’a séduit, me dit-il, et si nous en doutions il m’a laissé à votre adresse ce texte que nous venons d’entendre. Effectivement pour bousculer les choses et mettre tout à l’envers il s’y connaît. Pensez donc.

        Tout d’abord ce qu’il préconise semble très exigent. On avait reçu la loi de Moïse qui interdisait le meurtre, on savait qu’il fallait se respecter entre humains, ne pas voler, qu’il ne fallait pas commettre l’adultère, pas faire de faux serments : toutes choses bien compréhensibles et à quoi vaille que vaille chacun de nous entend se conformer. Mais voilà que ce Jésus va bien plus loin et se permet de se mettre au rang de Moïse, considéré par les Juifs comme le grand envoyé de Dieu. Et il va alors dire qu’il ne suffit pas de ne pas tuer, mais que le seul fait d’insulter son frère, de se mettre en colère contre lui, ou bien d’avoir un regard de convoitise pour une personne , cela était l’équivalent d’un crime. Et pour Jésus, aller au bout de ces exigences c’est accomplir la loi de Moïse.

        Bien sûr ces dispositions ne vont pas être acceptées par les Juifs et notamment par leurs dirigeants religieux, gardiens très scrupuleux de la loi ; d’autant qu’ ils avaient eu l’occasion de prendre Jésus en défaut, quand il avait guéri une personne le jour du sabbat, quand il avait osé toucher un lépreux ; quand il avait affirmé au paralysé que ses péchés étaient pardonnés. Pour eux cela était inacceptable et surtout incompréhensible, car d’un côté Jésus avait une lecture très stricte de la loi, d’un autre il s’autorisait des comportements totalement décalés par rapport à celle-ci. A ne plus rien y comprendre : tout était à l’envers !

        Arrêtons-nous ici pour décrypter la chance merveilleuse pour nous, pour notre bonheur de cette pensée, à l’envers, de Jésus, que l’on peut résumer en deux attitudes : soit nous prenons la loi à la lettre pour être en règle avec elle comme semblent le préconiser les chefs religieux des Juifs, mais alors, quel intérêt pour notre vie ? Aucun. Des gens en règle, le monde en est rempli, des gens sans histoires, des gens tout remplis de leur suffisance, souvent critiques vis à vis de ceux qui ne respectent pas la loi. Soit nous entrons dans une autre logique, celle de la responsabilité humaine, celle qui vient du cœur ; là il s’agit d’intérioriser cette loi, d’en extraire tout le bien-fondé et d’en faire un chemin de bonheur pour soi-même et pour les autres. Il est sûr qu’un tel comportement (comme par ex. pardonner, rester fidèle à ses engagements, garder le souci du pauvre, de l’exclu, du malade, de l’étranger) va à l’encontre des modes, des opinions préfabriquées , du confort et du plaisir promus au rang des valeurs suprêmes de nos sociétés de consommation. Mais c’est là, et pas ailleurs que Jésus attend de nous que nous soyons témoins de ce chemin de vie, de bonheur.

        N’ayons pas peur de vivre à l’envers, c’est-à-dire à contre-courant de ce qui s’est toujours fait ; tout le monde y gagnera, et Jésus se réjouira qu’une paroisse ait eu l’audace de mettre tout à l’envers le temps d’un dimanche.

André Jobard

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