La chair et l’Esprit – homélie du samedi 4 juin 2022 – Pentecôte

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La chair et l’Esprit

« Frères, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit ». Je ne sais pas si vous avez sursauté en entendant ces paroles, nous sommes peut-être trop habitués à les entendre. Avouez qu’elles ont quelque chose d’étrange : que peut bien vouloir dire « être sous l’emprise de la chair » ? Il me semble que par cette expression, saint Paul peut nous aider grandement à entrer dans le sens de cette fête de pentecôte, et plus profondément dans le mystère de l’Esprit Saint.

Tout d’abord excluons l’interprétation totalement réductrice qui ne veut voir qu’une allusion à une sexualité débridée qui serait l’unique faute contre l’Esprit. Et en relisant l’histoire de l’Église on peut hélas regretter qu’elle ait mis l’accent sur cet aspect, comme si la foi au Christ devait s’exprimer uniquement dans une conduite sexuelle irréprochable.

Quand saint Paul oppose la chair à l’Esprit, ce n’est pas non plus pour faire des disciples de Jésus des intellectuels totalement plongés dans leurs pensées et méprisant tout ce qui n’est pas de l’ordre de la réflexion. Il connaissait la prière de Jésus quand celui-ci dit à Dieu son père : « je te rends grâce pour avoir révélé les mystères du royaume non pas aux sages et aux savants mais aux tout-petits (Mt 11,25) » Sans pour autant faire l’apologie de la paresse intellectuelle et de l’ignorance.

Allons plus avant dans ce qui se cache sous cette expression ‘la chair’. Saint Paul le dit plus loin dans le texte, en disant que quand nous sommes sous l’emprise de l’Esprit, et donc que nous ne sommes plus sous celle de la chair, nous ne sommes plus esclaves, prisonniers de la peur. Esclaves, nous savons combien nous le sommes, quand nous nous laissons envahir par nos habitudes immuables, quand nous nous contentons de reproduire ‘ce qui s’est toujours fait’, quand nous souscrivons sans réflexion et sans discussion à toute affirmation exprimée de façon péremptoire dans les médias, sur les réseaux sociaux, quand nous ne voulons ou que nous pouvons plus avoir la moindre pensée positive sur telle ou telle personne avec qui nous avons pu avoir un différend. J’arrête là mon énumération, mais nous percevons ainsi ce que peut être une conduite sous l’emprise de la chair.

A l’opposé, se laisser conduire par l’Esprit, c’est croire que de toute situation, même la plus compliquée, la plus tordue, peut sortir du neuf ? Croire et surtout s’engager dans ce processus de transformation de nos jugements, de nos comportements, même les plus anodins. Alors notre quotidien peut devenir plus lumineux, nos pensées des pensées de paix, d’amour. C’est la transformation opérée à notre baptême, transformation qui a toujours besoin d’être réactivée par la prière, la méditation de l’Écriture, et par le sacrement de la réconciliation. Et cela vécu en Église, en communauté, en paroisse est un beau signe donné au monde de la présence active de l’Esprit Saint dans notre histoire humaine.

C’est encore saint Paul qui va conclure cette réflexion, avec ces mots si éclairants : « si vous vivez selon la chair, vous allez mourir ; mais si par l’Esprit vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez. »

André Jobard
4 juin 2022