La dernière place : un chemin de vie – homélie du dimanche 1er septembre 2019

        « L’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute ; » A vous de me montrer que vous êtes sages par votre écoute attentive de ces quelques mots faisant suite à cette belle parole de Dieu ; et à moi de vous prouver par mon commentaire que j’ai bien été à l’écoute de cette parole.

        Une parole, une fois de plus renversante, que peut-être les quelques enfants présents n’ont peut-être, par chance, pas relevée, surtout à la veille de la reprise de l’école : « va te mettre à la dernière place ». Décidément l’évangile, tous ces dimanches, n’est pas très réjouissant, et donne l’impression qu’il ne faut surtout pas chercher la réussite, qu’il faut passer par la porte étroite, que l’ambition, pourtant facteur de progrès est condamnable. Comment voulez-vous que des jeunes désireux de réussir leur formation professionnelle en vue d’un bon métier puissent entendre une telle parole ? Effectivement cette objection existe, et un certain discours au long de l’histoire de l’Église (on pense au courant janséniste) a pu assimiler foi chrétienne, rigorisme et austérité. Avançons donc plus avant dans la pensée de Jésus qui ne veut en aucun cas nous brider, mais chercher notre plein épanouissement.

        La dernière place, c’est bien celle que prendra Jésus en montant à Jérusalem, non pas pour s’immoler volontairement comme le font certains extrémistes, mais pour accomplir sa mission. En effet Jésus se sait poursuivi par ceux qui lui reprochent son laxisme à l’égard des pécheurs, des étrangers, et sa dureté vis à vis des docteurs de la loi plus soucieux de la lettre que de l’esprit de la loi. Il pourrait renoncer à cette mission, et conserver le prestige (qu’il avait quand il parcourait la Palestine en guérissant les malades, en donnant leur place aux pauvres et aux exclus). Il a choisi la fidélité à sa mission, que lui dictait son cœur; en cela il était le sage qui écoute la voix de sa conscience, ce qui était pour lui une nécessité et le seul chemin d’accomplissement de sa vie d’homme. Et cette dernière place, ça sera sa mort humiliante au possible, mais aussi la promesse d’une vie nouvelle attestée par sa résurrection au matin de Pâques.

        C’est dans cette perspective d’un accomplissement de notre vie d’homme qu’il nous faut donc comprendre ce message de Jésus. Il ne nous impose pas la dernière place. Il veut seulement nous avertir que la dernière place elle est là quand la réussite humaine se heurte à des contre-temps, à des grains de sable, à des échecs, des ruptures, des fragilités, des deuils. Je me souviendrai longtemps de cet homme rencontré quelques jours avant sa mort ; il avait eu aux yeux des hommes et à ses propres yeux une vie réussie, à tous les plans, professionnel, familial, financier ; il m’a confié qu’il découvrait, à la perspective de sa fin de vie toute proche, que l’essentiel n’était pas dans cette apparente réussite mais dans cette dernière place où sa maladie l’avait installé.

        Ainsi nous pouvons peut-être mieux comprendre cette invitation de Jésus. La dernière place nous la vivons plus souvent que nous le souhaitons, elle s’impose à nous. Sachons l’accueillir comme un chemin de vie, surtout qu’à cette dernière place nous y trouvons Jésus, qui saura nous dire : « mon ami, avance plus haut ».

André Jobard

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