Le fossé de l’indifférence – homélie du dimanche 25 septembre 2022

télécharger au format pdf

Les lectures du jour

Le fossé de l’indifférence

Hier soir, alors que je préparais ce petit mot, devant ma feuille blanche, j’avais en tête tous les problèmes actuels du monde (pénurie, inflation, pouvoir d’achat, guerre, menace nucléaire, euthanasie, etc…), je me suis senti bien démuni : que retirer de cette parole de Dieu qui fasse écho à toute l’actualité? Devinez l’idée que j’ai eue… j’ai pris mon téléphone et j’ai envoyé un texto à Amos, l’auteur de la première lecture, un auteur qui n’a pas peur de dire les choses plutôt crûment. J’avais trouvé son numéro de téléphone dans un vieil annuaire (qu’on appelle aussi la Bible), et je lui ai demandé s’il ne pouvait pas venir aujourd’hui à notre messe de rentrée pour nous expliquer comment son message et celui de cette parabole pouvaient nous rejoindre dans nos préoccupations du moment. Demandé de partout il n’a pas pu venir mais il m’a répondu. Voici donc sa réponse, brève (c’est un texto) mais qui m’a paru très éclairante.

Le grand mal, ce qui conduit à l’enfer dès ici-bas, c’est l’indifférence, qui crée un abîme entre les hommes, un abîme infranchissable pour l’éternité. Une indifférence, provoquée par l’afflux de richesses, par l’auto-suffisance, par le sentiment de supériorité. Le riche ne daigne pas lever les yeux pour voir, à ses pieds, celui qui a faim. Fort de cette réponse je me suis demandé qui était ce riche : est-ce seulement ces quelques familles qui possèdent l’essentiel de la richesse planétaire, ne serait-ce pas moi aussi ? En effet quel est mon regard, quel est mon désir de rencontrer celui qui est différent de moi, celui qui a peut-être reçu moins de talents que moi, celui qui crie à mon secours et que je ne veux pas entendre ? Et au début de cette nouvelle année pastorale, quel souci notre paroisse va-t-elle porter à l’adresse de tous les habitants de nos quartiers, et même à l’intérieur de notre communauté pour connaître ce que vivent les autres services ou mouvements que celui auquel j’appartiens ?

Cette réponse m’a évité de réduire cette belle parabole de Jésus à une histoire de récompense, le riche sur cette terre étant condamné à la souffrance éternellement, le pauvre n’ayant pas à se plaindre puisqu’il sera dans le paradis aux côtés d’Abraham. Lecture trop réductrice, qui pourrait nous dédouaner de toute culpabilité, puisque nous ne sommes pas comme le riche : nous donnons au Secours Catholique, au CCFD, à nombreuses œuvres de bienfaisance, et même une piécette à la personne assise à la porte de l’église.

S’il en est ainsi, à quoi bon relire cette parole de Dieu, elle ne nous concerne pas. Or, nous dit Amos dans son message, nous sommes provoqués à aller à la rencontre de l’autre, du différent de moi. Et cela c’est le premier pas pour regarder plus loin que nos soucis quotidiens. Car le fossé se creuse entre riches et pauvres, à l’intérieur de notre pays et entre nations ; nous nous trouvons démunis, culpabilisés devant ce grave problème. Notre attitude d’ouverture à ceux qui sont à côté de nous dilatera notre cœur et sera le meilleur ferment, le moteur d’une vraie conversion à l’urgence de travailler pour l’avènement d’un monde plus fraternel.

Alors un grand merci à Amos qui, même s’il n’est pas venu en personne, a pris le temps de répondre à mon SMS. Il était temps parce que la batterie de mon téléphone se déchargeait… et nous aurions pu passer à côté d’un beau message pour nous et notre communauté paroissiale, en ce jour de rentrée !

André Jobard
25 septembre 2022