Le masque et le vêtement de fête – homélie du dimanche 11 octobre 2020

 

Le masque et le vêtement de fête

 

        « Le roi entra pour examiner les convives, et là il vit un homme qui ne portait pas… le masque ». S’il était entré dans notre assemblée d’aujourd’hui à la Visitation, il n’aurait pas eu besoin de faire cette remarque. Car tous ici nous nous sommes parés de ce morceau de tissu, dans le souci de participer de façon responsable et en toute tranquillité à ce banquet où nous a invités Jésus. D’ailleurs Jésus n’a pas voulu s’arrêter au faciès caché par ce masque pour ouvrir sa salle de banquet à tous, qu’il voie ou ne voie pas le visage. Est bienvenue toute personne désireuse de vivre ce rendez-vous fraternel, préfiguration de ce grand festin que promettait déjà Isaïe dans cette fresque grandiose entendue dans notre première lecture. Voilà un premier enseignement de cette parole de vie proposée par la liturgie aujourd’hui : le regard de Jésus, révélé dans cette parabole, qui ne s’arrête pas à l’apparence.

        Un deuxième enseignement, nous pouvons le trouver dans l’exclusion dont est victime cette personne qui n’a pas revêtu… le masque, euh le vêtement de fête! Cela heurte durement notre sensibilité moderne, où nous voulons en rester à cette première partie de l’évangile, à savoir l’accueil inconditionnel de Jésus. Jésus serait-il donc ce roi qui n’hésite pas à vouer aux gémonies ce pauvre homme qui n’a pas revêtu le vêtement de fête ? Sait-il s’il avait les moyens de se payer un tel habit ? D’ailleurs a-t-il eu le temps de se changer, alors qu’il était errant sur les chemins ? Et enfin est-ce si grave de ne pas être habillé comme tout le monde ? On voit bien de nos jours des gens venir à des mariages en tenue très ordinaire : est-ce là l’important ? Quel est donc ce vêtement de noce qui fait défaut et qui justifie un tel châtiment ?

        Pour bien comprendre cette exclusion, il nous faut revenir à la première partie de la parabole, où il est dit que les premiers invités à la noce n’ont pas répondu à l’appel ; ces invités, ça peut être nous qui le sommes depuis notre baptême ; or il arrive souvent que nous oublions la chance de ce baptême, de cette nouvelle condition, et finalement refusons de répondre à l’invitation. Ne disons-nous pas : « je vais à la messe, je fais ma prière chaque jour, je paie mon denier du culte, ne m’en demandez pas plus ! », ou bien « je ne peux rien changer à mon style de vie, qu’est-ce que je pourrais faire de plus pour accueillir les étrangers, et tous les pauvres ? » N’est-ce pas, en disant cela, une façon de nous mettre en retrait par rapport à l’invitation de Jésus, qui n’est autre que celle de notre conscience ? Au même moment d’ailleurs on découvre chez des personnes très loin de notre religion, de notre foi chrétienne une générosité sans borne, un style de vie exemplaire, une fraternité active . Le vêtement de fête est peut-être, selon le poète, l’étincelante parure de la justice, les perles de la miséricorde, l’ample et chaleureux manteau de l’amour sans frontières. N’est-il pas la façon de reconnaître la chance d’avoir été invités, qui doit de ce fait transformer notre existence ? Le Pape François ne dit pas autre chose dans sa dernière encyclique « tous frères ». Ce n’est pas une option parmi d’autres, elle est constitutive de notre foi.

        Dépouillons-nous de nos masques du défaitisme, du chacun pour soi, de nos a priori, de nos aigreurs. Gardons seulement le temps qu’il faudra, nos masques de tissus ;comme le vêtement de noce, ils disent le sens de notre responsabilité pour que le banquet de nos vies soit toujours une vraie fête.

André Jobard

Télécharger au format pdf