Le temps de l’accomplissement – homélie du dimanche 17 janvier 2021

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Le temps de l’accomplissement

 

        C’était vers la dixième heure (environ quatre heures de l’après-midi) ; ouf on est dans les temps, avant le couvre-feu. Je ne sais pas si ce dispositif était en vigueur à cette époque, mais on peut être étonné que Jean l’auteur de l’évangile ait cru bon de mentionner cet horaire. J’ai moi-même cherché dans mes livres les commentaires sur cette mention d’horaire, et j’ai lu que cette heure particulière était l’heure de l’accomplissement, l’heure où Jésus avant d’expirer sur la croix, dira ces derniers mots ; « tout est accompli ». Autant dire que dans cette scène évangélique, par la mention de l’heure, nous sommes en présence d’un moment capital de la révélation de Jésus ; entrons plus avant dans ce récit à la portée hautement symbolique.

         Tout d’abord, je m’arrêterai sur la première prise de parole de Jésus dans l’évangile ; « Que cherchez-vous ? » Jésus remarque que ces hommes sont déjà en recherche. Il est sensible à cette recherche, à cette soif de l’essentiel qui doit les habiter. Avant-même de se présenter à eux, ou de les appeler à le suivre, ou de leur donner un enseignement il s’enquiert de leur attente. J’aime savoir que mes attentes profondes intéressent Dieu ainsi que l’attente présente chez beaucoup de nos contemporains après la crise que nous traversons, l’attente d’une société meilleure, plus solidaire, plus respectueuse du pauvre, plus humble, plus sobre. Oui Jésus nous rejoint tout à fait dans cette attente.

         « Où demeures-tu ? » Question fondamentale, que porte tout homme, au plus profond de son cœur, même s’il semble l’écarter de sa conscience. Oui, Dieu, où est-il ? Dans le ciel ? Au fond de notre cœur ? A l’église, au temple, à la synagogue, à la mosquée ? Est-il présent chez le malade qui se débat contre un cancer, chez une famille éprouvée par le deuil ? Certains se sont demandé s’il était présent à Auschwitz, quand un peuple entier était exterminé. Son silence peut s’avérer terrible. « Oui, où demeures-tu ? »

          Selon son habitude, Jésus ne répond pas précisément à ses interlocuteurs mais il a comme toujours cette parole qui veut les mettre en mouvement, qui veut les déplacer dans leurs attentes, une parole de liberté : « venez et voyez. » Décidément avec Jésus, ce n’est jamais fini. Ces hommes pensaient qu’il allait apporter des réponses précises, des vérités à croire, des comportements à observer. Le voilà qu’il les invite à prendre son chemin, tout simplement. Nous savons que pour eux le chemin entrepris ce jour-là sera long, très long, douloureux, mais qu’il sera le chemin de l’accomplissement total, en réponse à leur attente la plus profonde. « Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui, ce jour-là ».

         Cette proposition, elle nous est faite aujourd’hui, mais pour bien la recevoir, encore faut-il adopter les dispositions du jeune Samuel, tout entier ouvert à la volonté de Dieu : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ». Le Seigneur nous parle à travers les événements les plus anodins, les plus quotidiens ; il nous rejoint dans nos attentes, et c’est ainsi qu’il accomplit sa mission. Tout l’évangile de Jean est encadré par cette mention de l’heure, l’heure du don de soi, l’heure de la remise totale de son être entre les mains du Père. Cette heure, elle est pour nous, pour notre monde, pour notre salut, notre délivrance. Pas même un couvre-feu ne pourra lui faire obstacle.

André Jobard

17 janvier 2021