Quand Joseph explique le songe qu’il a eu – homélie du 4ème dimanche de l’Avent – 22 décembre 2019

 

        Après avoir lu ce passage d’évangile, dans ma perplexité, j’ai voulu rencontrer Joseph en personne. Je lui ai téléphoné et il m’a répondu qu’il allait venir me voir, et que pour cela il allait prendre le train. Je lui ai répondu : « ça tombe bien, car à notre paroisse nous sommes invités toute cette année à prendre le temps ; en prenant le train en cette période de grèves, vous allez prendre le temps ! » Il est donc venu, un peu plus tard que prévu, mais il était là.

        Il m’a alors parlé de son désarroi, découvrant la grossesse de Marie. « C’est tout un projet, celui d’avoir des enfants avec elle, qui s’effondre. Me voilà complètement dépouillé de ce que j’avais construit pour notre avenir, et je commençais à penser à une trahison de la part de Marie. A quoi me raccrocher à ce moment-là ? Dans mon sommeil, dans cette nuit si obscure, dans cet état où tout nous échappe, je découvre un appel à accueillir cette nouvelle situation, à aller au-delà de mon désespoir, à donner sens à mon épreuve, et donc à recevoir Marie et l’enfant qu’elle porte en elle. Dans le texte que vous lisez, il est dit qu’au réveil je fis ce que l’ange m’avait demandé. C’est un peu vite dit, car il m’a fallu un certain temps pour aller de l’avant, pour dépasser mes hésitations. Mais au fond de moi, je pressentais qu’il y avait un enjeu décisif à prendre Marie chez moi et à attendre avec elle cet enfant, qui sera le mien puisque je lui donnerai son nom, tout en n’étant pas vraiment le mien. J’ai pensé alors à toutes les fois où nos projets sont contrariés, même les plus beaux, les plus nobles, comme par exemple ceux que les parents forment pour leur enfant ; ou bien à notre bonne volonté, celle de rendre service, d’aider les pauvres, et qui se heurte à des incompréhensions, à des fins de non-recevoir. Je pense aussi à ceux qui prévoyaient pour Noël de réunir toute la famille, alors qu’elle se disperse pour de multiples et faux prétextes. Ma question alors : comment dépasser ces frustrations, ces échecs, ces revers, et en faire le tremplin pour du nouveau ? C’est peut-être là, mais je le dis avec prudence, que se trouve le saut de la Foi, croire en l’impossible, croire qu’il y a toujours une brèche où peut se cacher un peu d’espérance. »

        J’étais sous le charme de son explication, si bien que j’ai remercié ce brave Joseph d’être venu jusqu’à moi, tout en oubliant de lui demander ce qu’il pensait de la conception de cet enfant à venir dans le corps de Marie, toujours vierge. C’était trop tard, et j’ai par moi-même essayé de comprendre ce mystère. Cela m’a été rendu plus facile après ce que Joseph m’avait dit de son expérience, où j’ai perçu d’une part l’importance de se dessaisir de la volonté de maîtrise des événements, d’une sorte de toute-puissance ; c’est vrai pour Marie comme pour Joseph. Et d’autre part toujours en écoutant Joseph j’ai été émerveillé par sa confiance absolue et celle de Marie ; confiance en Celui qui donnant naissance à un enfant sans l’intervention humaine, manifeste qu’il est l’auteur du salut apporté par cet enfant à naître. Nous ne sommes plus sur le registre de la biologie, mais sur celui de la foi, qui a été le ciment de cette famille de Jésus.

        Alors merci à Joseph, merci à Marie, de ne pas avoir considéré leur enfant comme leur bien propre, mais de nous l’avoir donné pour qu’il soit ce Dieu avec nous. Prenons le temps de la contemplation de ce mystère, qui nous fait entrer dans le royaume de ce petit qui sera couché dans la crèche prochainement.

André Jobard

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