« Rappelez-vous » – homélie de la veillée pascale – 20 avril 2019

        Si je vous demande quel événement a marqué notre semaine, je pense que vous serez unanimes à évoquer l’incendie de Notre Dame de Paris. Nombre de commentateurs ont vu dans cette destruction survenant au commencement de la Semaine Sainte un lien avec la situation actuelle de l’Église et du monde et ont conclu de façon quelque peu péremptoire : « notre humanité est dans un triste état ». Peut-être ce sentiment nous habite-t-il ce soir, alors que nous sommes rassemblés pour fêter une résurrection.

        Ce sentiment de fin du monde devait habiter certainement ces saintes femmes, qui venaient au petit matin embaumer le corps de leur ami, sauvagement exécuté l’avant-veille. Et en faisant ce geste elles considéraient que c’en était bien fini de la belle aventure vécue avec lui. Survint alors l’inattendu, cette pierre immense qui fermait l’accès au tombeau roulée sur le côté, et comble de surprise le tombeau vide.  « Elles étaient désemparées », nous dit l’évangéliste : on les comprend, et dans un premier temps elles restent enfermées sur leur drame : « elles gardaient leur visage incliné vers le sol ». Il faudra la parole de ces deux hommes vêtus de blanc, manifestation traditionnelle dans l’histoire juive de l’intervention divine, pour comprendre qu’il se passe quelque chose de totalement nouveau. Et que leur disent ces deux hommes : « rappelez-vous ce que Jésus vous a dit quand il était encore en Galilée ». Oui rappelez-vous, voilà l’invitation unique , qui pourra permettre à ces femmes d’entrer dans le mystère de la résurrection. Rappelez-vous, c’est-à-dire soyez toujours attentifs à relier, à relire (presque les mêmes mots) votre situation présente à la lumière de la parole de Dieu. C’est comme cela que votre existence va retrouver du sens. Bien sûr cela peut paraître bien maigre pour expliquer la résurrection, et Pierre lui-même avec ses compagnons qui avaient suivi Jésus considère cela comme des hallucinations de femmes sensibles, sur lesquelles on ne peut guère s’appuyer.

        Finalement ces femmes nous ouvrent un merveilleux chemin, celui de l’amour et du courage dont elles ont fait preuve en osant suivre Jésus jusqu’à la croix ; cela avait déjà été le cas pour Abraham qui n’avait pas craint de perdre son enfant s’étant imaginé que Dieu le lui demandait en sacrifice. Et ce soir ces femmes sont là pour nous dire de nous rappeler les paroles de Jésus, qui avait annoncé par exemple la destruction du temple de Jérusalem, devant lesquelles s’extasiaient les foules, annonçant que ces terribles événements ne devaient pas affoler, mais au contraire appeler à revenir à l’essentiel, c’est-à-dire à croire au message d’amour de la part de Dieu qui n’abandonne pas son peuple. Cela doit résonner en nous ce soir, et nous inviter, au-delà de l’émotion provoquée par l’incendie de Notre Dame, à continuer à aimer, comme ces femmes qui venaient embaumer le corps de leur ami. Cela sera signe de résurrection, surtout si les chrétiens ne baissent pas les bras devant les énormes défis que notre monde moderne appelle à relever. Croire à la résurrection, c’est rester à l’écoute de la Parole de Dieu, et témoigner par nos actes que Dieu n’a pas abandonné notre humanité. C’est ce témoignage qui a permis à nos deux amis, Aimée et Mathis, de demander le baptême, dans lequel ils reconnaissent l’action de Dieu en eux.

André Jobard

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