« Sois marqué de l’Esprit-Saint, le don de Dieu » – homélie du dimanche 10 novembre 2019

Aurait-il été préférable d’avoir d’autres lectures de la Parole de Dieu pour célébrer aujourd’hui le sacrement de confirmation ? On peut le penser. Pourtant la question de la mort et de la résurrection est une question fondamentale de la foi et, à tout âge, on se pose cette question comme on s’est posé la question de l’au-delà à toutes les époques, et même bien avant Jésus-Christ.

Ressusciterons-nous un jour ? Et si nous devons ressusciter, comment cela va-t-il se passer ?

Nous chrétiens avons des réponses à ces questions. Mais nos réponses ne comblent pas totalement les attentes de nos contemporains parce qu’à notre époque, on veut des réponses avec preuves et évidence, et – si j’ose dire – des réponses qui ne laissent pas de place à l’initiative et à la liberté.

Des réponses à ces questions fondamentales, beaucoup se permettent d’en donner sans prendre de risques – parfois même avec moult détails – puisque, évidemment, ceux qui sont morts ne reviennent pas confirmer ou infirmer les réponses aventureuses des uns et des autres.

Certains ont imaginé la « réincarnation » qui permettrait d’échapper à tout ce qui est difficile dans notre humanité en espérant un avenir meilleur.

Dans tous les peuples du Moyen-Orient jusqu’à l’époque de Jésus, un grand nombre imaginaient une survie des morts dans un « au-delà » mystérieux. C’est pourquoi les Egyptiens les plus riches se donnaient du mal pour momifier les corps, les apprêter pour un voyage aux pays des morts.

D’autres pensent qu’il n’y a rien après la mort. Pendant des siècles, cela a été le cas de ceux qui se réclamaient du judaïsme. Pour les hébreux, la mort est la fin de tout. Ils imaginent bien un « shéol », une sorte de lieu obscur, lieu de ténèbres. Mais rien de plus. Et ces hébreux pensaient que la seule forme de survie qui pouvait exister, c’est celle de la descendance : un être humain survit d’une certaine manière à travers ses enfants.

La résurrection dans la Bible

C’est seulement deux siècles avant Jésus-Christ que les hébreux vont commencer à croire à l’idée de la résurrection. C’est ce que nous rapporte le texte de la première lecture d’aujourd’hui dans ce livre des martyrs d’Israël (livre des Maccabées) : des jeunes hommes sont en train de donner leur vie afin de ne pas renier leur foi juive. Aussi ils croient qu’au-delà de leur mort donnée, offerte, ils pourront vivre. Ils se mettent à croire fermement que ceux qui acceptent de mourir pour leur foi ne peuvent disparaître à tout jamais. Et c’est aussi la conviction de ceux qui sont témoins de leurs martyrs. C’est dans ce contexte que naît cette idée totalement nouvelle de la résurrection : ce que je suis va ressusciter.

A l’époque de Jésus il y a encore débat dans le judaïsme. Les sadducéens qui interpellent Jésus dans l’Évangile d’aujourd’hui ne croient pas en la résurrection, car ils craignaient que cette croyance entraîne chez les fidèles la peur des esprits ou des fantômes… Comme les autres religions qui existaient dans le proche Orient de cette époque-là… La question des sadducéens n’est peut être pas aussi naïve qu’elle parait. On a entendu cette histoire incroyable de cette femme sept fois veuves… Un étrange raisonnement par l’absurde mais qui nous permet de nous interroger : en quelle résurrection croyons-nous ?

Toutes les questions sont légitimes mais ne faisons pas dire au Christ et à l’Eglise ce qu’ils ne disent pas. Quelle est notre foi en la résurrection ? Quelle est la réponse de Jésus ?

Ce que Jésus dit dans ce texte d’Évangile : Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants, car tous sont vivants pour Dieu. Il a créé l’homme pour la Vie. Jésus nous dit que Dieu veut que nous soyons toujours dans l’éternité. Dès maintenant et pour toujours. L’amour de Dieu qui nous a créés continue à nous être accordé à chaque instant, dès maintenant et pour l’éternité.

Ni Jésus, ni la Bible ne nous disent comment cela va se passer mais ce qui va se passer. La foi nous invite à ne pas prendre le concept de résurrection de manière matérielle. La Bible et la foi de l’Église nous disent la résurrection : « résurrection de la chair » dans le symbole des Apôtres, « résurrection des morts » dans le symbole de Nicée-Constantinople. L’expression « résurrection de la chair » appartient au langage de l’anthropologie biblique. Cela signifie que la résurrection saisira tout notre être. C’est une re-création, une nouvelle création spirituelle qui saisira toute notre personne… L’Évangile qu’on vient d’écouter nous dit que nous serons semblables aux anges… 

Alors, parce que l’homme aimerait bien savoir « comment » ça va se passer, beaucoup s’engouffrent sans risque dans des réponses plutôt hasardeuses à cette question. Or la réponse chrétienne n’est pas de cet ordre-là. Et la réponse de Jésus à cette histoire étrange de la femme aux sept maris nous donne une nourriture pour la foi : pas des affirmations à l’apparence scientifique, mais une nourriture pour la foi.

Notre foi, c’est qu’il y a et rupture et continuité entre cette vie et l’autre vie.

  • Rupture parce que nous serons alors dans le monde de Dieu. Et nos mots sont bien trop pauvres pour nous permettre de comprendre ce à quoi nous sommes appelés. Le Christ nous donne seulement des éléments qui doivent nourrir notre foi et notre espérance mais nous serions incapables de comprendre ce qui nous attend.

  • Mais il y a une vraie continuité entre ce monde et le monde de Dieu. Tout ce que nous sommes, toute notre histoire, toute notre personne, tout ce qui nous permet d’être des êtres en relation ressuscitera. Car l’essentiel de notre vie, ce sont les relations que nous tissons tout au long de la vie. Rien de cela ne disparaîtra.

Les signes de la résurrection

Dans l’Évangile, nous n’avons pas de description matérielle mais nous avons des signes de la résurrection décrits dans les récits des manifestations de Jésus ressuscité à ses disciples.

Aujourd’hui, le signe de la résurrection promise, c’est nous, peuple de Dieu rassemblé ; c’est vous confirmands qui, au cœur même de votre jeunesse, avez compris que la Vie ne se résume pas au visible ou au matériel, mais est grande de tout l’amour qu’on reçoit et qu’on donne tout au long de sa vie.

Aujourd’hui, le signe de la résurrection promise, c’est votre démarche de confirmands : ce qui a été marquant pour vous – et vous l’avez écrit de diverses manières dans vos lettres de demande de la confirmation – ce sont les autres : votre groupe dans lequel vous avez cheminé depuis des années, ceux qui ont été témoins de Dieu pour vous (vos proches, vos parents, vos amis, etc.), les moments forts de votre réflexion lorsque vous avez pris du temps ensemble pour réfléchir et comprendre ce que Dieu vous dit, etc.

Alors la phrase finale de l’Évangile d’aujourd’hui prend tout son sens : « Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants ! » Notre Dieu, créateur de la Vie, est le plus grand défenseur de la Vie. Il est le Dieu des vivants car il nous veut vivants pour toujours. Etre vivant pour toujours, c’est recevoir et donner de l’amour. Etre vivant pour toujours, c’est accepter l’amour de Dieu pour mieux en être témoins en aimant à notre tour. Notre Dieu est le Dieu des vivants et il nous le dit dans l’amour qu’il nous donne.

« Sois marqué de l’Esprit-Saint, le don de Dieu. »

Cet amour, il va se manifester d’une manière particulière aujourd’hui pour vous qui allez recevoir le sacrement de confirmation. Parce que l’amour de Dieu se manifeste aujourd’hui par un cadeau, un don.

« Sois marqué de l’Esprit-Saint, le don de Dieu. » C’est ce qui va être dit pour chacun d’entre vous dans quelques instants au moment de l’onction. Le don de Dieu, c’est son Esprit-Saint qui vient vous donner pour toujours la force d’être des porteurs de l’amour de Dieu, des signes de l’amour de Dieu, des missionnaires de l’amour de Dieu. Ce don, vous ne pourrez pas le garder pour vous. Il est fait pour nourrir et embellir votre vie dans toutes les relations humaines que vous êtes appelés à vivre.

Ce don de Dieu, il s’entretient dans la prière, dans la méditation de la Parole de Dieu, dans l’approfondissement de votre connaissance de Dieu (qui n’est jamais terminée !), et dans l’Église : vous avez fait l’expérience de l’Église dans votre groupe de préparation ; continuez à entretenir le don de l’Esprit-Saint que vous recevez aujourd’hui dans votre participation à la vie de l’Église. Vous aurez toujours besoin de guides, d’amis, de frères, pour grandir dans votre foi. L’Église aura toujours besoin de vous pour grandir et remplir sa mission.

Aujourd’hui, nous prions pour vous et avec vous. Que vienne sur vous la force de l’Esprit-Saint.

Eric Millot

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