Un bon sommeil … pour rester vigilant – homélie du 1er dimanche de l’Avent – 1er décembre 2019

        Quand nous traversons une période de rhume, de grippe, comme je viens de la vivre, les conseils ne manquent pas ; de toutes parts, on nous assure que tel remède, surtout s’il est celui de nos grand-mères, va nous guérir instantanément, et bien-sûr le souci de la qualité du sommeil est très présent : « il vous faut de bonnes nuits ! » ai-je entendu bien des fois. Voilà que les lectures de ce premier dimanche de l’Avent contredisent totalement ce conseil, en rappelant la nécessité de sortir de notre sommeil (saint Paul), et de veiller toute la nuit (Jésus). Notre religion chrétienne est-elle donc insensible à notre santé ?

        Pour répondre à cette question, je pense qu’il nous faut prendre cet avertissement à un second degré. On peut très bien demeurer vigilant comme le propose Jésus, tout en se ménageant des temps de sommeil nécessaires à un bon équilibre de vie. Il me semble que la vigilance requise s’oppose à l’état d’esprit qui régnait du temps de Noé, et que rappelle Jésus. Il a d’ailleurs cette expression très juste, quand il dit : « les gens ne se sont doutés de rien ». C’est peut-être ça la non- vigilance. Ils ont continué de vivre sans se soucier de savoir si leur mode de vie était bien conforme au projet-même de Dieu, ce projet rappelé magnifiquement dans la première lecture ; dans une vision grandiose, le prophète Isaïe imagine ce monde réconcilié avec en son centre Jérusalem, cité de la paix, comme le dit son nom. Un rêve de Dieu, notre rêve à tous, mais vite qualifié d’utopique, au regard de la situation politique, économique, climatique que connaissent toutes les époques de notre histoire. Alors, puisque l’avènement d’une société parfaite est une douce utopie entretenue par des chrétiens totalement étrangers à la réalité, continuons à vivre sur nos acquis quitte à les défendre par tous les moyens, préparons nos fêtes de fin d’année comme d’habitude, et contentons-nous d’éprouver un peu de culpabilité à l’écoute des informations venant du bout du monde, toutes plus tragiques les unes que les autres.

        Et pourtant reste en nous ce sentiment vivace que la situation est grave, qu’il pourrait bien arriver des catastrophes jusque chez nous. Que ce soit l’organisation terroriste Daech que notre armée française a tant de mal à combattre, que ce soit le dérèglement climatique ou la croissance des inégalités, la condition des femmes toujours à devoir faire respecter, les conflits sociaux, tout cela génère en nous une peur sournoise, qui peut nous conduire au repli sur soi, à la méfiance à l’égard de l’étranger, à moins que la parole de Dieu, relue, méditée fasse son travail en nous, et nous apporte la confiance que dans ce monde complexe nous ne sommes pas livrés à nous-mêmes, que quelqu’un vient apporter sa lumière.

        Prenons le temps de la mémoire, nous dit l’affiche accrochée dans le chœur de notre église. Pendant ce temps de l’Avent, faisons mémoire de celui qui est venu à Noël, que nous allons déposer dans nos crèches. Il est venu et il n’est pas parti ; il est là au cœur de nos combats, de nos désirs de bâtir un monde plus humain ; il est là pour éclairer nos chemins de fraternité. Il suffit pour cela de croire en cette présence, d’en repérer les signes. Nous pourrons alors nous endormir dans la paix.

André Jobard

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