Un chemin à deux tronçons – homélie du dimanche 5 décembre 2021

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Un chemin à deux tronçons

 

         Le Seigneur vient vers nous. Et nous allons vers le Seigneur. Si on veut se rejoindre, il vaut mieux prendre le même chemin. Le chemin du Seigneur a deux tronçons. Le plus grand est celui qui vient de lui et va vers nous. C’est lui qui le construit. On peut lui faire confiance. Il a le savoir-faire. Il a créé l’univers. Il sait sûrement combler les ravins et aplanir les collines.

         L’autre tronçon vient de nous et va vers lui. Il est en cours de construction. On ne peut pas le construire tout seul avec une petite pelle et un sécateur. Mais tous ensemble, sœurs et frères avec nos différences, avec les talents de chacun, on peut le faire, surtout si on invite tous les hommes de bonne volonté et même tout être vivant qui voudrait voir le salut de Dieu. Ce tronçon sera donc de plus en plus large pour accueillir tous ceux qui vont nous rejoindre. Pourtant il ne sera jamais aussi large que celui qui vient du Seigneur.

         Par la voix de Jean-Baptiste qui crie dans le désert, Isaïe nous conseille de préparer un chemin tout plat et tout droit. Tout plat et tout droit ! Faut pas rêver ! Pourquoi pas un tapis rouge, bordé de soldats qui présentent les armes ? Ce ne serait pas du goût du Seigneur, Seigneur de paix et d’humilité. Tout plat et tout droit, c’est trop dur pour nous. Pauvres pêcheurs, la perfection n’est pas notre truc. Alors ce ne sera pas un profil de TGV, plutôt un profil de tacot. On élargira les passages tortueux, mais on n’évitera pas tous les tournants, on s’efforcera cependant de les adoucir. On n’aplanira pas toutes les collines mais la pente ne dépassera pas 5% à cause des fauteuils roulants et on collera des bandes de guidage pour les non-voyants. On fera des ponts au-dessus des discordes, des viaducs au-dessus de la haine et des tunnels pour passer sous l’indifférence.

         Le chemin sera long. Il faudra qu’il soit beau et qu’il sente bon. Il suffira de respecter la création. On coupera le minimum. Chacun ramassera ses déchets. On aidera ceux pour qui c’est trop dur. Ce sera un chemin vert. Mais on n’évitera pas les traversées de déserts : il y a aura des temps de souffrance à partager. Il faut prévoir des puits pour se rafraîchir (on les confiera à des samaritaines, cela plaira au Seigneur), des auberges pour laisser passer les tempêtes et accueillir ceux qui sont tombés (on les confiera à des Samaritains, cela lui plaira aussi). Comme ombrages, on choira des sycomores pour ceux qui hésitent encore et préfèrent attendre que le Seigneur les repère. Il y aura des tables pour langer les tout-petits, des prises pour charger les smartphones des accros et les frontales de ceux qui marchent dans la nuit.

         Le chemin sera ouvert à tous. On ne contrôlera ni les papiers ni les pass puisque chacun aura le souci des autres. On ne demandera pas de certificat de baptême ni de moralité.

         Ce chemin, il est déjà en construction, par petits morceaux. Mais comme sur les pistes cyclables, il y a beaucoup de discontinuités. Ce chemin où le Seigneur nous rejoint, vous l’avez peut-être reconnu, c’est le chemin de l’Amour.

Vincent Boggio
5 décembre 2021