L’humilité de la crèche – homélie du 24 décembre 2022 – Nuit de Noël

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L’humilité de la crèche

Ce n’est pas tous les jours la Coupe du monde de foot ! Le sujet m’avait pourtant fourni une bonne accroche pour l’homélie de dimanche dernier. Par quoi commencer ce soir ? J’ai feuilleté mon agenda au 24 décembre, j’ai écouté les informations, lu les journaux, rien de particulier, sauf que j’ai entendu qu’il y avait un début de polémique à propos de crèches installées dans l’espace public. Le mot ‘crèches’ a fait tilt dans ma tête et cela m’a rappelé Noël avec la crèche, le petit enfant, entouré de ses parents, d’un bœuf, d’un âne, de bergers avec leurs moutons : de beaux souvenirs d’enfant, avec les oranges, les papillotes, le chocolat chaud. Et oui, ce soir c’est à nouveau Noël, nos regards tout tournés vers la crèche, celle de l’église en ce moment, celle de nos maisons. Alors pourquoi cette attention, cet intérêt pour cette réalisation, ces quelques figurines, ces animaux, ces étoiles, le tout dans un cadre souvent modeste, même si nous mettons beaucoup de notre imagination, de nos talents pour construire cette crèche ?

Ce cadre, dans sa simplicité dit beaucoup de notre foi. Et cela grâce à saint Luc qui nous rapporte l’événement donnant lieu à la fabrication de la crèche, et nous livre par là-même le meilleur, le plus profond de ce qu’il a compris de Jésus. Et il le fait à la lumière de l’autre événement relatif à Jésus, à savoir sa mort et sa résurrection. Car ce petit couché dans une mangeoire n’est autre que celui qui sera mangé (au sens où son temps sera totalement absorbé) par le déploiement de son amour envers les plus petits, les humiliés, les exclus. Ce petit, rejeté avant-même sa naissance, n’est autre que ce prisonnier éliminé par le pouvoir des représentants de la religion de son époque. Et ces anges qui chantent dans le ciel son arrivée sur terre seront ceux qui annonceront aux femmes venues au tombeau de Jésus annoncer qu’il est vivant.

Nous voilà au cœur de la nouveauté de la foi chrétienne. Jésus ne naît pas dans un palais, dans nos somptueuses demeures, ni dans nos cœurs les plus parfaits. Il est là au milieu de l’univers, au milieu des animaux, des anges, et totalement dépendant de ce couple perdu sur des chemins inconnus, à cause de l’orgueil d’un monarque voulant jauger sa puissance. Contemplant cela, ne sommes-nous pas conduits à regarder autrement notre existence, notre histoire humaine, toute vacillante, cabossée, éclaboussée de mille scandales et injustices, mais rejointe par ce Jésus de la crèche ? Une lumière dans la nuit peut s’allumer, si nous consentons à vivre l’humilité de Dieu. Humilité qui ne se résume pas à la sobriété, nécessaire spécialement en ces temps de pénurie d’énergie, mais est une disposition de tout notre être, de notre cœur, pour accueillir ce que nous avons à vivre. Et cela dans la confiance que rien n’est jamais définitivement perdu ou désespéré, que la guerre, les tensions familiales, les échecs, les maladies peuvent susciter de nouvelles réalités inattendues. Il s’agit d’une disposition du cœur, qui refuse les jugements définitifs, les accusations permanentes , le ressentiment. En revanche, des pensées bienveillantes, l’accueil des petites joies du quotidien, peuvent nous aider à passer les caps difficiles de l’existence.

Que la crèche, dans son dépouillement extrême, nous stimule dans un abandon à celui pour qui rien n’est impossible. Jésus ne naît pas à Bethléem, il naît chaque fois où nous lui laissons une petite place, car en chacun de nous, il est aussi chez lui.

André Jobard
24 décembre 2022 – nuit de Noël